
Les rencontres et ses amitiés ont façonné la carrière du Dr Romain Jaillant, ophtalmologue et fondateur de l’Institut Daviel Ophtalmologie SOS Œil, à Paris, où il exerce depuis 5 ans. Il s’engage dans des études de médecine après avoir été séduit par le « schéma de vie » et le « rapport à la vie » des parents d’un ami qui étaient médecins. C’est ensuite avec un camarade de promotion, rencontré en première année de médecine, qu’il décide de choisir dans un premier temps la spécialité Santé Publique. « On s’est convaincu que soigner des populations, et non des gens, avait du sens », raconte-t-il. Ils négocient un accord avec une prestigieuse école de commerce mais face au refus de la faculté de médecine, ils se ravisent. « En prenant Santé Publique, l'idée était d'écrire un chapitre. Mais après un an à se battre pour faire quelque chose qui nous est refusée, on s'est dit qu'il valait mieux faire une autre spécialité. Voilà comment nous sommes devenus cliniciens. »
Polyvalence et exercice sur-mesure
Romain Jaillant choisit alors l’ophtalmologie pour renouer avec la chirurgie et son côté « polyvalent ». « Cette spécialité paraît de l'extérieur un peu répétitive mais il y a une grande diversité d'activités. On peut faire de la pédiatrie et quasiment de la gériatrie. On peut être très chirurgical mais aussi très médical », explique-t-il. L’ophtalmologue apprécie également ne pas être « confronté à la mort » dans sa spécialité. « J'ai beaucoup de respect pour mes collègues qui y sont confrontés au quotidien. C’est quelque chose que je n'aurais pas su faire. Je n'arrive pas à retrouver ma gaieté et ma légèreté », explique celui qui reste encore marqué par l’image du premier corps mort qu’il a vu et le souvenir d’un jeune animateur radio emporté par une leucémie en quelques semaines, lors de ses premiers stages à l’hôpital. « Ceci étant dit, j’ai une activité qui est probablement plus lourde que d'autres parce que je m'occupe de rétine », précise-t-il.« Cela m'arrive donc de voir des patients qui ont une DMLA et je gère beaucoup de décollements de rétine qui peuvent laisser parfois des séquelles ».
« Il peut donc m'arriver de gérer la cécité des gens. On ne peut pas dire que ce soit une petite mort, mais c'est quand même quelque chose de très lourd et de très inattendu. C’est le maximum que j'arrive à gérer. On peut quand même dialoguer avec ces gens, leur apporter des messages d’espoir. La vie continue ! »
C’est aussi grâce à une rencontre qu’il a créé un exercice sur-mesure qui le comble. Pendant leur assistanat, Dr Romain Jaillant et Dr Ludovic N’Kosi s’interrogent sur une manière de résoudre, à leur échelle, la problématique autour de l'accueil des urgences ophtalmologiques à Paris. « Nous avons voulu créer un cabinet conventionnel, avec des consultations et de la chirurgie, mais avec des horaires d’ouverture suffisamment larges pour permettre d'être identifié comme une structure d'urgence », explique Romain Jaillant. « La médecine c'est aussi assurer les affres du quotidien. Le jour où vous souffrez d’une conjonctivite, que l’on étiquette comme une maladie bénigne, vous n’avez pas envie d’attendre cinq heures aux Urgences et d'avoir un interne carbonisé qui n'a plus l'énergie de vous consacrer le temps qui est nécessaire ! » La satisfaction de ses patients, pris en charge dans l’heure, est une « grande fierté » pour l’ophtalmologue.
Résister à la financiarisation de la médecine
« Un dernier point dont nous sommes très fiers et qui nous anime beaucoup, c’est de ne pas avoir cédé à la financiarisation de la médecine », glisse-t-il. Avoir un cabinet géré par des médecins lui prend beaucoup de temps dans son exercice mais il est fier de répondre à ce « défi de lucrativité » tout en ayant « le souci du patient et de tout ce qui a constitué les dix ans d'études que nous avons faites ».
« Je pense que la réalité, c'est que j'ai choisi ophtalmo pour faire de la chirurgie mais via un parcours qui me laisse plus de temps pour m'exprimer dans d'autres domaines », confie Romain Jaillant. Celui qui a voulu arrêter la médecine plusieurs fois affirme aujourd’hui avoir « bien fait » de ne pas avoir abandonné. « On fait un très beau métier qui a du sens et qui est porté par l'altérité. Je pense que la richesse ultime pour moi c’est que je suis médecin... de plusieurs façons ».