
Le comte de Monte-Cristo avec Pierre Niney et Anaïs Demoustier.
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Une adaptation littéraire efficace, alliant évasion et réflexion. Si c'est ça du cinéma populaire, on en redemande !
Pourquoi le roman d'Alexandre Dumas fascine-t-il encore ? Critiquer cette énième adaptation renvoie immanquablement au génie du maître qui, peut-être encore plus que Victor Hugo, a su allier les deux veines majeures de l'âge d'or du roman français, l'invraisemblance de l'une - un goût pour le feuilletonnage échevelé - étant compensée par l'authenticité de l'autre - la profondeur sentimentale voire psychologique. Un parfait équilibre entre divertissement et éducation, que l'on retrouve indéniablement dans ce Comte-ci. Le duo star des scénaristes - plus récemment réalisateurs - français est d'ailleurs beaucoup plus convaincant dans le respect du matériau d'origine - tant au niveau narratif que dans les messages véhiculés - que dans des tentatives à la fois balourdes et bâclées de le moderniser - ajouter une héroïne tout droit issue d'un comic historique, clone de la Vilanelle de Killing Eve, ou un ressort scénaristique lesbien totalement inexploité semble effectivement bien discutable...
« Nous ne pouvons que louer la magnificence efficace de ce film dont la longueur rajoute à la qualité »
Une fois passés outre ces vaines licences, nous ne pouvons que louer la magnificence efficace de ce film dont la longueur rajoute à la qualité. Il est effectivement de plus en plus rare qu'une séance de cinéma soit synonyme de voyage, et celui-ci est passé en fort bonne compagnie, grâce à une distribution et une direction d'acteurs soignées, Pierre Niney et Anaïs Demoustier en tête, très convaincants tous les deux dans l'évolution nuancée et émouvante de leurs personnages. Les "vilains" ne sont pas en reste, savoureux salopards - Laurent Lafitte et Patrick Mille - et surtout Bastien Bouillon, très convaincant dans le rôle le plus torturé, et peut-être le plus terrible. Le dépaysement est également total, grâce à des décors baroques et des intermèdes à la limite du fantastique proches du pastiche. Les moyens, visibles, sont constamment payants.
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Parce qu'intemporel, le propos de Dumas résonne inévitablement, et c'est ce qui en fait sa force, avec notre actualité. Et c'est d'autant plus vrai que Dantès préfigure le caractère du transfuge de classe, auquel Niney réintroduit une complexité qui, à l'ère de la pensée dichotomique, est particulièrement bienvenue. Sous le masque de Monte-Cristo comme celui du feuilleton résident effectivement un personnage et un propos quasiment dostoïevskiens; et le film peut très bien s'envisager comme support d'un travail psychothérapique, au sein duquel les notions de justice, de réparation et de pardon sont résolument abordées sous un angle individuel, au regard d'une histoire et d'une construction psychique nécessairement uniques, et donc personnelles. La dimension d'altérité, représentée par le personnage de Mercedes, demeurant la clé d'une issue la moins destructrice possible...