© Midjourney X What's up Doc
A Besançon, parmi le public de la cour d'assises, figurent nombre de soignants venus suivre les débats qui ont débuté le 8 septembre et doivent s'achever le 19 décembre.
« Une histoire qui touche autant de monde et autant de patients, ça paraît vraiment incroyable », témoigne Martin Marmier, 38 ans, gériatre au CHU de Besançon, ajoutant en discuter « régulièrement » avec ses collègues.
« Même dans le nord de la France, tout le monde est au courant de cette histoire. On en parle au bloc opératoire, à table, au travail », abonde Aline Bischoff, 32 ans, chirurgienne-pédiatre à Lille.
Le Dr Péchier est accusé d'avoir volontairement empoisonné des patients à la clinique Saint-Vincent et à la polyclinique de Franche-Comté. Il comparaît libre mais risque la prison à perpétuité.
Mourir lors d'une anesthésie « c’est rarissime: cinq décès ou accidents graves pour un million d'anesthésies », indique à l'AFP le professeur Jean-Michel Constantin, président de la Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar).
Mais l'affaire Péchier, « ce n'est pas un problème d'anesthésie, c'est un problème d'empoisonnement », souligne ce professeur d'université et praticien à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et à Sorbonne Université.
Selon Jean-Michel Constantin, « ce qui intéresse la communauté médicale, c'est comment faire pour qu'il n'y ait plus jamais une histoire comme ça ».
Froid dans le dos
« Un certain nombre d'anesthésistes se disent : 'ça aurait pu m'arriver à moi en tant que victime collatérale, ça aurait pu arriver à l'un de mes patients' », témoigne Frédéric Le Saché, secrétaire général adjoint de la Sfar, à qui cette pensée fait « froid dans le dos ».
« On est tous curieux de comprendre comment on est arrivés à ça et comment, si on était dans une structure où quelqu'un se comportait mal, on aurait pu l'identifier », explique Frédéric Le Saché, qui exerce en libéral à Paris.
Les faits reprochés au Dr Péchier se déroulent entre 2008 et 2017, un grand laps de temps qui nourrit la colère des victimes.
Que cela ait pu durer aussi longtemps, le président de la Sfar « ne le comprend pas » : « c'est totalement ubuesque parce qu'il y a des filtres ».
« Tout événement indésirable grave dans un établissement de santé doit faire l'objet d'une revue de morbi-mortalité (un retour d'expérience, ndlr) au niveau de l'établissement et être déclaré à l'Agence régionale de santé » (ARS), rappelle le professeur Constantin.
Impensable
Frédéric Douchez, avocat de la clinique Saint-Vincent, assure que « les processus de sécurité ont été respectés » et avance deux raisons pour expliquer ce délai. La première est « structurelle » et tient au « cloisonnement de l'information » entre les services où sont survenus les différents « événements indésirables graves » touchant les patients, ce qui a empêché de faire un lien entre eux.
La seconde est « humaine », explique-t-il : « personne au sein de la clinique ne pouvait imaginer qu'un soignant, a fortiori un médecin, puisse commettre des actes criminels demeurés inexpliqués, actes de surcroît volontaires ».
Le Dr Jacques Pignard, dont deux des patients à la polyclinique de Franche-Comté ont subi des arrêts cardiaques en avril 2009, a rapidement envisagé « des gestes de malveillance » et tenté d'alerter.
Mais ce n'est qu'au troisième cas suspect que la poche de perfusion de la patiente a été analysée. Elle contenait une quantité anormale de potassium et d'adrénaline.
A l'époque, personne ne pensait possible d'introduire des produits dans une poche en amont d'une intervention.
Et « la malveillance, moi, je n'ai jamais imaginé qu'elle pouvait venir d'un confrère », raconte à l'AFP le Dr Pignard, aujourd'hui retraité.
« Je n'y ai jamais pensé, personne n'y a jamais pensé non plus à Saint-Vincent, c'est pour ça que ça a pu durer autant de temps », analyse-t-il aujourd'hui.
« C'est à ça que peut servir le procès » espère le Dr Pignard: « S'il est condamné, ça va rappeler à tout le monde que ça peut exister ».
Avec AFP
A voir aussi
L’hôpital réclame 5 000 € pour absentéisme à un radiologue… qui s’occupait de sa femme malade
Allemagne : un soignant accusé d’avoir tué ses patients pour « moins travailler »