What’s up doc : Pourquoi avez-vous voulu être présidente du SML ?
Sophie Bauer : C’est la suite logique de mon parcours syndical. J’étais secrétaire générale du SML pendant les deux dernières mandatures, j’ai monté en compétences et j’avais envie d’instiller un renouveau au syndicat. J’ai donc constitué une équipe avec de nombreux talents, des expertises et des exercices libéraux différents. Nous avons travaillé sur un programme qui a suffisamment plu pour nous porter aux manettes du syndicat.
D’où vous vient votre engagement syndical ?
S B. : Il est très ancien. J’étais syndiquée depuis l’internat, au départ au syndicat des internes. Quand je me suis installée, je suis passée à un autre syndicat. Le SML m’a séduite. C’était un syndicat où les femmes prenaient leurs places, pas machiste. À l’époque, il était déjà très tourné vers les territoires. Les départements élisent leur président, qui à leur tour élit le président du SML et les bureaux. Cet ancrage territorial m’a plu. De plus, il y a une véritable idée d’une médecine libérale vertueuse avec une indépendance du médecin garant des soins pour le patient.
Savez-vous pourquoi vous avez été élue ?
S B. : Cela faisait plusieurs années que je m’y préparais. Une élection est toujours un peu mystérieuse. Je pense que ce qui a joué sont : le fait que je sois pleinement en exercice, très à l’écoute de ce qui se passe dans les territoires avec une vision à 360 ° du système de santé. En effet, je suis conseillère ordinale dans le 77. J’ai des responsabilités dans des associations y compris caritatives, je suis, également ancienne cheffe de clinique assistante des Hôpitaux de Paris. J’amène avec moi une équipe qui est aussi à 360 °. Il y a des médecins en expertise particulière, des médecins en médecine générale, des spécialistes cliniques, des chirurgiens. L’ensemble des sensibilités y sont représentées. Ce n’est pas moi seule qui ait été élu mais aussi une équipe dynamique et prête à se retrousser les manches et travailler dur.
Vous êtes la première femme à la tête du SML, quelles sont vos impressions ?
S B. : Évidemment, je suis heureuse d’occuper ce poste. Cela conforte le fait que mon syndicat est un syndicat moderne. Quand nous regardons l’évolution des troupes en médecine, il y a une forte féminisation. Mais je suis avant tout président.
Quels seront vos grands chantiers ? Sur quoi allez-vous mettre l’accent ?
S B. : Je mets l’accent sur la prévention et l’idée de verdissement des cabinets libéraux, une idée de one health. D’autre part, nous voulons porter la négociation sur la revalorisation du C et des actes techniques avec des conditions de cotation qui doivent évoluer dans le bon sens. Bloquer certaines évolutions législatives, qui vont dans le sens de faire de la médecine sans médecin. Nous ne suivrons pas ces évolutions et nous nous battrons contre celles-ci. Évidemment nous travaillons sur l’IA et la médecine. Je viens d’annoncer la création d’un think tank SML afin de réfléchir à la médecine de demain, dans laquelle seront invités des médecins syndiqués et non syndiqués. Le SML est aussi très présent pour la formation. Sur le URPS Île de France, je suis à l’origine de « Adopte un doc » : cela permet aux étudiants en médecine et aux internes de trouver un mentor au niveau des médecins libéraux. Nous essayons de favoriser l’installation des jeunes générations. Je propose aux étudiants des fonctions supports au sein des SML. Nous sommes tournés vers la jeune génération.
Dans quelles mesures soutenez-vous les mouvements de grèves et les fermetures de cabinets de médecins libéraux ?
S B. : Nous voulons la revalorisation tarifaire. Nous sommes dessus depuis les élections URPS. Pour nous, c’est inouï de ne pas être à la moyenne européenne pour la valorisation de la consultation. Nous sommes l’un des pays d’Europe les moins bien rémunérés. Pour une 7 ème puissance mondiale, c’est aberrant !
Nous trouvons aussi que la règle de non association des actes techniques et de consultation n’a pas de sens. Cela oblige le patient à revenir. Cela veut dire des transports en plus. Actuellement nous nous battons pour que les endocrinologues puissent faire la consultation et l’échographie thyroïdienne. Récemment dans le Finistère, des radiologues se sont fait « allumer » pour avoir côté des radiographies et leur consultation en même temps. Au contraire cela permettait à des patients habitant loin de ne pas revenir. Nous avons des règles complétement obsolètes et anormales, alors que nous manquons de temps médical.
Jusqu’où le SML ira-t-il dans la grève ? Avez-vous rencontré le ministre de la santé ?
S B. : Je ne l’ai pas encore rencontré en tant que présidente du SML. Cela devrait se faire. Bien entendu le ministère de la santé est au courant du mot d’ordre que nous lançons : la fermeture des cabinets du 24 décembre au 5 janvier inclus. Nous avons deux buts : alerter sur le fait qu’on ne pourra pas faire une médecine de qualité sans revalorisation. Nous ne voulons pas être subventionnés, nous pouvons payer nous- même nos collaborateurs et nos murs si la consultation et les actes techniques sont valorisés à leur juste valeur. On sait ce que les subventions ont donné avec l’agriculture. Nous ne voulons pas tomber dans cet écueil.
Êtes-vous pour ou contre la quatrième année pour les étudiants en médecine générale ?
S B. : Tout dépend dans quelles circonstances elle se fait. Si c’est pour mettre la spécialisation de médecine générale au même niveau que les autres. Pourquoi pas ? Mais pas en envoyant les gens au petit bonheur dans des territoires où il n’y a peut-être pas suffisamment de maîtres de stages. Cela ne s’improvise pas comme cela. Elle devait se négocier, se réfléchir. Résultat, nous aurons des gens qui vont s’installer encore plus tard. Le syndicat n’était pas opposé, mais à condition qu’elle aboutisse à une vraie formation supplémentaire et gommer ainsi le delta entre la consultation du spécialiste en médecine générale et la consultation des autres spécialités cliniques. Ce sont 4000 malheureux qui devaient s’installer, et on leur a dit « vous n’êtes plus assez compétents pour vous installer, on va vous faire faire une année de plus ». Comme je le disais à une parlementaire les rendez-vous non-honorés représentent l’activité de 4000 médecins par an, donc faites en sorte que les patients honorent leurs rendez-vous.
Pouvez-vous préciser comment mettre en place le « One Health » dans la médecine libérale ?
S B. : Il faut plus d’interaction avec son écosystème en ayant des cabinets moins polluants. Faire du consulting sur le plan nutritionnel. Préserver les écosystèmes. Vous savez les chiens de fumeur font des cancers de fumeur, les chiens de diabétique font du diabète. Au niveau des URPS, nous pouvons faire des évènements avec des vétérinaires, éduquer nos patients et leur expliquer que ce qu’ils font ont des répercussions sur leur compagnon à quatre pattes. Cela peut-être un levier pour leur santé. Il existe de nombreux domaines où nous pouvons améliorer notre empreinte sur l’environnement : par exemple avec les produits de nettoyage que nous utilisons. Les médecins doivent donner l’exemple.