Notre posture politique gêne-t-elle notre relation aux patients ?

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« Sex is politics » écrivait l’auteur américain Gore Vidal. Sa vision d’une société fortement influencée par la sexualité hétéronormée et dominante de ceux qui nous gouvernent peut aussi être lue comme un avertissement : la plus intime part de nous-mêmes a une influence sur nos comportements publics et idées politiques…

Notre posture politique gêne-t-elle notre relation aux patients ?

La rencontre médecin-patient est un espace dans lequel on s’attend à ce que ni le demandeur, ni le prestataire ne soit sous l’influence de ses opinions. Les premières phrases du serment d’Hippocrate nous le rappellent.

Pourtant, penser échapper à tout jugement politique dans le cadre de la place que nous occupons dans notre système social, de la nature et de la pratique de notre exercice, tout comme de notre relation au patient, est illusoire. Parce qu’effectivement, la politique s’immisce dans chaque aspect de notre métier, dans ce qui en fait « le lit » : interactions avec les institutions tutélaires, financement et organisation du système de santé, place donnée aux usagers, et même  pour des disciplines comme la psychiatrie notamment  clinique des interactions des patients avec leur environnement.

Deux mécanismes actuels et synergiques concourent à l’émergence du politique dans le colloque singulier du médecin avec son patient.

Le premier est celui des réseaux sociaux. À l’ère de Facebook et de Twitter, un patient peut facilement savoir si son médecin n’est « pas un pigeon », s’il est adhérent à un parti ou appartient à une communauté d’idées.

Le second, plus profond, est issu d’une aspiration à la transparence en général, médecins compris. Ainsi, dans la mesure où les circonstances conduisant à nous justifier de nos choix, de nos positions, se multiplient, nous sommes plus que conviés à exprimer nos opinions et nos engagements, politiques compris.

Nos décisions médicales, la façon d’exercer notre métier, notre appréhension du patient dans son individualité, sont autant de paramètres pouvant être influencés par notre pensée politique. Posons-nous la question : nos idées restent-elles tant que ça au vestiaire quand nous renouvelons, ou pas, un arrêt de travail ? Ou quand, aux urgences, nous gérons côte à côte, et normalement indistinctement, un patient accidenté de la voie publique et une personne traumatisée par une cause plus sociale que physique ? Ou bien encore dans notre façon de contribuer à l’entreprise qui nous embauche ou que nous gérons ?

S’il existe un risque d’être assujetti à nos opinions, celui de faire comme si celles-ci n’existaient pas, ou ne comptaient pas, aboutirait à une sanctuarisation internalisée de notre fonction et de nos ressentis. Après tout, tant que les malades trouveront face à eux des médecins – et non uniquement des « professionnels de santé » –, existera la possibilité d’échanger, et donc d’évoluer. Cette capacité d’adaptation reste la meilleure garantie de notre bienveillance et de la qualité de notre exercice. •

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