A Mayotte, tous les systèmes de surveillance sanitaire sont en alerte. Le département le plus pauvre de France est soumis à sa plus importante sécheresse depuis 1997, alors que son approvisionnement dépend largement des eaux pluviales et que l’île, sous pression de l'immigration clandestine venue notamment des Comores voisines, manque d'infrastructures.
Pour y faire face, l'État a intensifié les coupures d'eau ces derniers mois. Depuis quinze jours, la population de cet archipel de l'océan Indien est privée d'eau deux jours sur trois. Les risques sanitaires se multiplient. "La pénurie d'eau génère une consommation insuffisante et baisse le niveau d'hygiène des habitants", alertait en début de semaine Youssouf Hassani, responsable de la cellule Mayotte au sein de l'agence Santé publique France.
Une potentielle reprise épidémique du choléra
En outre "lors des coupures, le réseau n'est plus sous pression, ce qui peut engendrer une infiltration d'eau contaminée. Par précaution, on demande, à la réouverture du réseau, de faire bouillir l'eau", rappelle le directeur général de l’ARS Mayotte, Olivier Brahic. Mais "nous savons que des personnes vont consommer l'eau sans la faire bouillir", déplore Youssouf Hassani, de Santé publique France. Et certains habitants "peuvent avoir recours aux eaux de surface" de rivières polluées notamment par le lavage du linge, ou encore à "l'eau de pluie", égrène le responsable.
Autre problème: pour faire des réserves lors des coupures, les habitants stockent l'eau dans des bassines ou de grandes poubelles dont la propreté peut laisser à désirer. Or, à Mayotte, certaines maladies à transmission hydrique sont endémiques. Santé publique France a relevé 123 cas de fièvre typhoïde en 2022, contre 39 en moyenne habituellement. Les derniers cas de choléra remontent, eux, aux années 2000, mais l'ARS surveille de près une potentielle reprise épidémique, tout comme d'éventuelles suspicions d'hépatite A et de poliomyélite.
Six titulaires pour 32 postes au Centre hospitalier de Mayotte
A ce stade, les soignants s'alarment surtout d'une vague de gastro-entérite. "L'épidémie est en plein boom, on est complètement sous l'eau", alerte un infirmier du Samu au Centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui souhaite rester anonyme. Ces dernières semaines, les ventes d'antidiarrhéiques sont "supérieures à la moyenne des années précédentes", confirme le responsable de Santé publique France, qui précise que les pics des épidémies de 2021 et 2022 ont déjà été dépassés.
L'institut de veille sanitaire observe l'activité globale des urgences et guette une éventuelle surmortalité, semaine par semaine. Les soignants du CHM redoutent cette hausse des décès en plein "sous-effectif médical", qui ne "s'arrange pas", alerte l'infirmier du Samu. Le service des urgences ne compte que six médecins titulaires pour 32 postes, et fonctionne grâce à des remplaçants, venus parfois seulement pour quelques jours.
Mayotte, qui connaît un fort manque d'attractivité, est le plus grand désert médical de France. Le territoire comptait 86 médecins généralistes et spécialistes pour 100.000 habitants en 2021, contre 339 en métropole.
Avec AFP