"Nous sommes désabusés", lâche Lamine Gharbi, le bouillant président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), après un été sans interlocuteur au gouvernement.
"Si on n'a pas plus de 4% d'augmentation sur nos tarifs en 2025, ça ne passera plus", affirme-t-il, en allusion aux déficits des cliniques privées qui se creusent selon lui, notamment sous l'effet de l'inflation.
Les tarifs des actes et prestations -en grande partie remboursés par l'Assurance maladie et fixés annuellement par l'exécutif- constituent l'essentiel des financements des cliniques. Selon la FHP, 40% des cliniques étaient déficitaires en 2023 et ce pourcentage devrait atteindre 50 à 60% en 2024.
Or, la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 ne prévoit qu'une hausse de 2,6% de l’enveloppe dédiée aux établissements de santé en 2025, bien loin des +4% souhaités.
Les cliniques privées s'inquiètent aussi de l'avenir de l'accord financier qu'elles avaient trouvé fin mai avec le ministre de la Santé de l'époque, Frédéric Valletoux, à quelques jours d'une grève des cliniques, qui s'annonçait massive.
L’accompagnement financier promis par Frédéric Valletoux n’arrive pas
"L'accord n'a été que partiellement appliqué", déplore Lamine Gharbi.
Les cliniques privées ont pour l'instant touché 130 millions d’euros, depuis la suppression au 1er juillet d'un dispositif qui neutralisait l'avantage fiscal induit par le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi).
"Mais nous n'avons pas encore" touché l'enveloppe destinée à financer la revalorisation des gardes de nuit et de week-end (80 millions d'euros en année pleine), décidée dans le secteur public l'année dernière, affirme Lamine Gharbi.
Quant à l'accompagnement financier promis par Frédéric Valletoux pour revaloriser les salaires, comme prévu par un accord patronat-syndicats signé en 2023, il reste dans les limbes, selon la FHP. Quelque 240 millions d'euros sont nécessaires, assure la fédération.
Selon Lamine Gharbi, les deux ministres Catherine Vautrin (Travail, Santé et Solidarités) et Frédéric Valletoux (délégué à la Santé) n'étaient pas en phase sur la question, et le dossier n'a pas avancé.
"C'est toujours pareil. Ils conditionnent toute avancée sociale à des financements de l'Etat, refusant de mettre un sou de leur poche, alors qu'on a plusieurs catégories professionnelles en dessous du Smic", tance Valérie Galaud, membre du bureau de la CGT Santé-Privée.
"Au vu de nos propres expertises et des études de la Drees (services statistiques des ministères sociaux) on a beaucoup de mal à croire que les cliniques privées sont dans un tel manque d'argent", juge aussi Evelyne Rescanières, secrétaire générale de la Fédération CFDT Santé-Sociaux.
Elle appelle les cliniques à appliquer sans délai l'accord de 2023, regrettant que l'instabilité politique leur permette de "jouer la montre" et "préserver leurs marges".
Participation des cliniques privées à la permanence des soins
Autre point chaud à venir, l'organisation de la permanence des soins, en particulier au sein des services d'urgences, en crise larvée (engorgements, fermetures ponctuelles…) partout en France.
La loi dite "Valletoux" de décembre 2023 prévoit de donner aux directeurs des Agences régionales de santé des pouvoirs contraignants pour forcer les hôpitaux privés et publics à s'entendre, afin d'assurer un accueil des malades 24/24H, 7 jours sur 7, en répartissant mieux l'effort. Mais la manière dont elle s’appliquera reste à définir.
"S'ils veulent qu'on participe plus à la permanence des soins, il faut qu'ils nous donnent les lignes (de garde) rémunérées", estime Lamine Gharbi. D'après lui, les cliniques privées "réalisent 20%" de l'activité des services d’urgences, mais ne sont financées qu'à "hauteur de 8% de la permanence des soins".
Parallèlement, l'hôpital public alerte aussi sur sa situation financière critique, alors que l'Etat, qui connaît un déficit abyssal, multiplie les plans d'économies.
"Il faut se mettre tous autour de la table" et élaborer un "protocole pluriannuel" de financement, plaide la déléguée générale de la FHP, Christine Schibler.
Pour elle, des économies sont possibles, notamment via une réduction des hospitalisations évitables, qui représentent selon l'Assurance maladie 800 millions d’euros annuels de dépenses inutiles.
Avec AFP