La vie de Brian

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La vie de Brian

Attention, petit chef-d'oeuvre sur grand génie.

Biopic admirable sur l'histoire méconnue de Brian Wilson, prodige de la musique au destin tourmenté par ses traumatismes d'enfance et la prise massive de drogues et d'alcool, Love & Mercy se distingue de ses petits camarades par une double narration, centrée sur deux périodes de sa vie, qui illustre parfaitement le concept de répétition d'un scéario de vie...et comment en sortir.

Contrairement à Shine, autre film sur un génie de la musique un peu fêlé où la superposition de différentes époques alourdissait un peu le propos, les deux pans de vie qui structurent Love & Mercy montrent à quel point Wilson s'est retrouvé piégé une grande partie de sa vie par l'emprise d'un imago paternel destructeur et tyrannique. Le père Wilson tout d'abord, manager aigri et violent qui défonce le tympan de ses fils à l'oreille universelle et refourgue leurs droits d'auteur en douce; sa première apparition dans le film, surveillant son fils en train de composer, tel un mauvais génie préfigurant les terribles hallucinations à venir, tout comme les quelques suivantes, suffisent à suggérer à quel point l'enfance du groupe fut traumatique. Le Dr Eugene Landy ensuite, psychothérapeute gourou, faux original et vrai pervers qui cherchera lui aussi à spolier Brian en le gardant sous sa férule avec un aplomb tel qu'on comprend aisément que le plus timbré n'est pas celui qu'on croit.

A ce propos, le jeu de Paul Giamatti, tout bonnement terrifiant dans le rôle de ce Docteur Mabuse en polo ringard, maintient un doute constant quant au psychisme de son personnage, sans que l'on puisse jamais trancher entre une mégalomanie psychotique ou une perversion narcissique, une paranoïa qui en rencontre une autre ou un machiavélisme lui permettant de manipuler Wilson par les fondements fragiles de sa personnalité et de sa souffrance. Comment expliquer que ce dernier se soit retrouvé à la merci d'un sombre individu si semblable à son père, si ce n'est par une personnalité basée sur la dépendance afin d'échapper à ses profondes angoisses? C'est peut-être cette dimension troublante, où l'on retrouve le paradoxe terrible de l'apparent consentement de la victime choisissant inexorablement son bourreau, qui permet de comprendre à quel point le problème de Brian Wilson n'était pas la schizophrénie. Et pourquoi il sera finalement sauvé par l'amour...et la compassion!

Ajoutons à cela de formidables moments sur la création artistique qui réjouiront les mélomanes les plus exégètes, et Love & Mercy est définitivement le film à voir en ce début d'été caniculaire!

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