La fac à l'envers : les patients font cours aux internes

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Bobigny innove avec les patients-enseignants

La fac à l'envers : les patients font cours aux internes

Depuis janvier 2016, à la fac de Bobigny, des patients-enseignants donnent des cours aux internes de médecine générale. Les initiateurs du projet racontent à What’s up Doc pourquoi et comment.

Des savoirs inédits sont à la portée des médecins, et ils ne se trouvent pas forcément là où l’on pourrait les attendre… La fac de médecine de Paris 13 par exemple fait appel depuis janvier dernier à des patients-enseignants qui font cours aux futurs généralistes. Ces formateurs pas comme les autres sont considérés comme des profs à part entière, et deux d’entre eux font même partie de la commission pédagogique du département. L’enjeu : utiliser le patient comme une ressource utile à la chaîne de soin.

« Nous souhaitons amener les étudiants à prendre en compte les facteurs psychologiques, sociaux et biologiques des pathologies, et à intégrer davantage la perspective du malade », affirme Olivia Gross, co-responsable du projet et chercheuse en santé publique et en sciences de l’éducation à l’université Paris 13. « L’enseignant-patient mettra naturellement plus l’accent sur la relation de soins que le médecin », ajoute-t-elle. Tous les patients-enseignants recrutés sont des acteurs du milieu associatif et disposent d’une expertise particulière. Aujourd’hui, la faculté en compte une vingtaine, embauchés sous le statut de vacataires et rémunérés comme des enseignants classiques.

Questionner autrement

On ne verra bien entendu pas à Bobigny un patient expliquant aux internes comment reconnaître les symptômes de la sclérose latérale amyotrophique. Les nouveaux profs interviennent essentiellement au sein des Groupes d’enseignement à la pratique réflexive entre internes (Gepri). « La parole du patient a du sens lorsque l’on étudie l’éducation thérapeutique ou la relation de soins, moins lorsqu’il s’agit d’apprendre aux internes à se servir de Zotero ou de Pubmed », précise Olivia Gross.

« Il ne s’agit pas de questionner leurs compétences thérapeutiques des médecins », confirme Marie Citrini, patiente-enseignante et représentante de la Commission centrale de concertation avec les usagers de l'AP-HP. « Mon rôle est de les aider à se questionner autrement sur leurs relations avec les patients. » Durant ses cours, elle met en évidence les éléments témoignant d’une mauvaise communication entre le médecin et le patient. « Grâce à nous, ils sont confrontés à un représentant de la société civile associative », déclare-t-elle. « Trop peu de médecins sont au courant de l’existence des associations de patients. »

Des ajustements nécessaires

Selon Olivia Gross, le programme a dans l’ensemble été bien accueilli par les internes, même si des ajustements ont été nécessaires. « Certains ont remis en cause la légitimité des enseignants-patients, arguant qu’eux aussi étaient des patients », indique la chercheuse. Marie Citrini renchérit : « Il y en a qui se sentent agressés par le fait que des patients aient des droits. »

Le statut de patient-enseignant n'en est qu'au stade de l'expérimentation en France, mais il est déjà une réalité dans les pays anglo-saxons. « En Angleterre, 70 % de la recherche publique implique des patients dans le comité décisionnel », remarque Olivia Gross. « En France, nous ne sommes même pas à un 1 %. » Pour l'heure, les chercheurs en charge du projet de Bobigny ambitionnent, s'il fait ses preuves, de l’étendre à toutes les facultés de médecine françaises.

Source:

Im`ene Hamchiche

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