Journée nationale du don d’organes: 2 milliards et quels résultats ?

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Aujourd'hui c'est la  22ème Journée nationale de réflexion sur le don d’organes, la greffe et la reconnaissance aux donneurs. Cette nouvelle édition sera l’occasion de l’apparition d’un ruban vert, diffusé sur les chaînes de télévision.

Journée nationale du don d’organes: 2 milliards et quels résultats ?

Troisième pays au monde pour les greffes derrière l'Espagne et les Pays-Bas, la France a effectué plus de 5 276 transplantations en 2021, soit une augmentation de 19,3% par rapport à l’année précédente grâce aux recommandations de l’Agence de la biomédecine pour soutenir la poursuite des activités malgré l’épidémie de la Covid-19.

Cela reste inférieur à l’année 2019. En effet en 2019, l’activité du prélèvement et de la greffe avait connu une hausse encourageante de 1.6 % comparé à 2018, avec 5 897 greffes. Or les besoins ne sont pas remplis. Fin 2021, près de 11 000 personnes étaient sur la liste nationale d’attente pour une greffe.

Si « plus de donneurs sont identifiés en 2022 » et s’il y a plus de prélèvements, il y a aussi une augmentation du taux d’opposition des familles depuis 2020 (maximum de 37 % en avril), selon le professeur Tsimaratos.

Pour les hôpitaux, une greffe implique "une grosse logistique"

Si la greffe à partir d'un donneur décédé reste la plus développée en France, celle à partir d'un donneur vivant se pratique également, notamment pour le rein, et l'objectif est d'en faire davantage.

Pour les hôpitaux, une greffe implique "une grosse logistique", soulignent plusieurs spécialistes.

C'est, d'abord, une course contre la montre.

Entre le moment où l'organe est prélevé et le moment où il est greffé, il ne faut pas dépasser 3 à 4 heures pour un cœur, 6 à 8 heures pour un poumon… Placé dans une glacière, le greffon du donneur doit être transporté rapidement vers l'hôpital où se trouve le receveur. Parfois à l'autre bout du pays, parfois de nuit.

Et, de l'identification de donneurs potentiels jusqu'au suivi des greffés, quantité de professionnels sont mobilisés : réanimateurs, coordinateurs hospitaliers du prélèvement, chirurgiens, Agence de la biomédecine, etc.

Pour les greffes à partir de donneurs vivants, deux blocs opératoires fonctionnent ainsi simultanément.

Les patients greffés passent ensuite un temps en réanimation, avant de rejoindre une unité de soin.

Un financement supplémentaire de 210 millions d’euros est prévu

Le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus constituent, en vertu d’une disposition législative expresse du code de santé publique, une « priorité nationale ». Le quatrième plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus, construit en partenariat avec toutes les parties prenantes (partenaires institutionnels, sociétés savantes, associations de patients et professionnels de santé), prévoit des moyens inédits au bénéfice de la filière. Un financement supplémentaire de 210 millions d’euros est prévu sur 5 ans, ce qui portera à 2 milliards d’euros l’effort de la nation au bénéfice des activités de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus sur la durée du plan. Par ailleurs, le plan prévoit des mesures innovantes et des axes prioritaires, dont le maintien d’une communication adaptée

« Au-delà de la greffe de donneurs vivants, on peut aussi craindre que les tensions à l'hôpital aient des répercussions fortes sur l'activité »

La crise des hôpitaux, complique cette mécanique

Une association de malades du rein, Renaloo, s'inquiète ainsi que l'activité de greffe soit "dans les toutes premières sacrifiées en situation de tension".

Elle a ainsi relayé l'alerte de patients de Toulouse sur "des délais déraisonnables" annoncés pour une greffe. Selon elle, par "manque de personnels ou faute d'accès aux blocs opératoires, des listes d'attentes longues se mettent en place".

"Au-delà de la greffe de donneurs vivants, on peut aussi craindre que les tensions à l'hôpital aient des répercussions fortes sur l'activité de prélèvement sur les donneurs décédés, dont les filières impliquent directement les services d'urgence et de réanimation", selon Renaloo.

"Il faudrait presque choisir si on va opérer un patient d'un cancer ou faire une greffe avec donneur vivant"

Un message similaire a retenti au Sénat il y a une dizaine de jours dans la bouche de praticiens hospitaliers auditionnés sur le plan greffe.

S'il a salué un plan "déterminant", Lionel Badet, chef du service d'urologie à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon et vice-président de la Société francophone de transplantation, s'est inquiété des "ressources humaines" pour atteindre les objectifs.

"Pour l'accès aux blocs opératoires autant que pour les interventions chirurgicales, si l'on ne renforce pas les équipes, on sera en difficulté. Or le climat et les capacités de recrutement hospitaliers ne sont pas très favorables", a-t-il lancé.

Diagnostic partagé par Xavier Gamé, urologue à Toulouse et secrétaire général de l'association française d'urologie, qui a évoqué "un moment de situation critique pour l'hôpital, en particulier pour les blocs opératoires", qui "retarde les échéances".

"Il faudrait presque choisir si on va opérer un patient d'un cancer ou faire une greffe avec donneur vivant", a-t-il résumé. "On essaye de faire un peu pour tout le monde".

Comme palliatifs possibles face au manque de personnels, ce praticien a évoqué des heures supplémentaires, des "réorganisations".

A l'Agence de biomédecine, on insiste sur les efforts pour garantir que les greffes soient des activités "sanctuarisées" dans les hôpitaux.

« C'est une activité prioritaire, sanctuarisée, qui ne doit pas être déprogrammée »

"L'agence s'efforce de faire respecter concrètement ce que la loi dit : c'est une activité prioritaire, sanctuarisée, qui ne doit pas être déprogrammée", a assuré sa directrice générale Emmanuelle Cortot-Boucher, lors d'une conférence de presse en amont de la Journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe du 22 juin.

Lorsqu'elle observe des "difficultés", l'agence sanitaire exerce son "pouvoir de recommandation" en écrivant aux directeurs d'établissements, aux directeurs d'Agences régionales de santé, selon elle. Ce levier, s'il n'est "pas coercitif", a eu un "effet positif" pendant la crise du Covid.

L'agence conserve "un degré particulier de vigilance", a aussi affirmé Mme Cortot-Boucher au Sénat.

Avec AFP

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