Greffes rénales et Covid-19 : Une activité qui se poursuit au ralenti

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Pendant la seconde vague, les greffes rénales tous donneurs confondus se poursuivent en France. Une activité vitale pour de nombreux patients en insuffisance qui subit tout de même un ralentissement.
 

Greffes rénales et Covid-19 : Une activité qui se poursuit au ralenti

« On a tout fait pour ne pas perdre de greffons pendant la seconde vague. Tous ceux qui nous ont été proposés ont été acceptés », se félicite Antoine Sicard, néphrologue au CHU de Nice. Une bonne nouvelle qui survient après une année tendue pour l’offre de soins non-Covid. « Depuis le début de l’année 2020, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a eu un impact sur l’activité de prélèvement de greffe d’organes en France », rappelle l’Agence de Biomédecine dans un communiqué de presse datant du 18 décembre. Après une année agitée – ponctuée notamment par l’arrêt partiel des activités de greffes rénales pendant le premier confinement, tous les établissements ont repris leur travail, à l’exception des CHU de Lyon, Clermont-Ferrand, Dijon, Toulouse et Montpellier qui continue de faire l’impasse sur les greffes de donneurs vivants. « L’explication est la saturation des services liée au Covid », nous précise l’Agence de Biomédecine qui insiste : « Ces greffes DVI sont programmées et reprogrammables – et non annulées ».
 
Actuellement, environ 16 000 personnes seraient en attente de greffe rénale en France. Une liste longue comme le bras qui s’allonge chaque année, Covid ou non, notamment en raison du nombre insuffisant d’organes collectés. En 2020, 2 159 greffes rénales ont été réalisées entre janvier et octobre – dont 306 à partir de donneurs vivants. Un retard certain pris par rapport à l’année 2019, où 3 643 greffes rénales ont été réalisées sur l’année complète. Au 30 novembre 2020, l’activité de greffe rénale a ainsi connu « une baisse de 29 % » par rapport à celle observée les onze premiers mois de l’année 2019, indique de son côté l’Agence de Biomédecine. Malgré ce score timide, aucune hausse des décès en liste d’attente n’a cependant été constatée. « À ce jour, les décès en liste nationale d’attente de greffe ne sont ainsi pas supérieurs en 2020 à ceux observés en 2019 », précisait l’Agence de Biomédecine dans un communiqué datant du 9 novembre. Une situation sanitaire qui met pourtant à mal le « Plan 2017-2021 pour la greffe d’organes et de tissus » qui fixe l’objectif à 4 950 greffes par an, tous donneurs confondus, dès 2021.
 
« Au total, il y a eu entre début mars et fin mai, 600 greffes rénales de moins qu’en 2019 », assure, de son côté, l’association de patients Renaloo. Un déclin qui s’explique facilement par la décision de l’Agence de Biomédecine de suspendre partiellement l’activité de greffe rénale, du 18 mars au 11 mai 2020. « Nous avons dû arrêter toutes les transplantations pendant la première vague », atteste, de son côté, le néphrologue. Seules les greffes pédiatriques et les greffes associées à d’autres organes ont pu se poursuivre au printemps. Une limitation d’activités décidée en prenant en compte la balance bénéfice/risque. « Les connaissances sur le virus du Covid-19 et sur les risques qu’il pouvait comporter pour les patients après une opération de greffe étaient à l’époque très limitées, indique l’Agence de Biomédecine. Pour assurer la sécurité des patients, l’Agence de la biomédecine a donc conseillé de limiter les opérations de transplantation aux situations dans lesquelles elles étaient absolument nécessaires, en raison notamment d’un risque vital. » Une décision prise en considération de la surcharge d’activité des services de réanimations et de soins intensifs, mais également de l’immunosuppression induite par la première année de greffe. « Est-ce qu’il vaut mieux rester en dialyse et être transplanté six mois plus tard ? Ou vaut-il mieux être transplanté tout de suite malgré les risques de l’immunosuppression ? Des analyses sont en cours mais pour le moment, nous n’avons pas de données scientifiques claires. C’est du cas par cas. », détaille Antoine Sicard. Et d’ajouter : « Dès la fin du confinement, nous avons repris dès que nous avons pu ».
 
La reprise s'est faite à un rythme tout de même moins soutenu, mais qui s’est poursuivie à l’annonce du second confinement. « Lors de la deuxième vague, on a eu pour directive de maintenir l’activité de greffes », indique le néphrologue. Une ligne de conduite accompagnée d’un protocole strict. Au programme ? La mise en place d’un circuit Covid négatif partant du donneur jusqu’aux salles de blocs, la garantie de mise à disponibilité des effectifs médicaux ou encore l’organisation, en dernier lieu, de « la possibilité de faire prendre en charge des patients ayant besoin d’une greffe d’organe dans les filières Covid négatives d’un autre établissement ». Si cette dernière disposition n’est pas toujours respectée, cette latitude a permis aux activités de greffes de se poursuivre sur la quasi-totalité du territoire. Une période qui a tout de même été ponctuée d’une baisse, les deux premières semaines de novembre, de 29 % des greffes rénales selon l’Agence de Biomédecine. Et Antoine Sicard de commenter : « La diminution du nombre de greffes vient probablement en partie de la diminution du nombre de donneurs. Les réanimations étaient surchargées avec la Covid, donc il y a potentiellement moins de donneurs non-Covid ».
 
Il faut ajouter à cela les difficultés organisationnelles que peut rencontrer cette filière, qui nécessite une vaste équipe médicale pluridisciplinaire, ainsi que la mise à disposition de deux blocs dans le cas des greffes DVI. « Dans les prochaines semaines, compte tenu de la dynamique de l’épidémie, les délais d’attente pour accéder à la greffe rénale pourraient être allongés en raison, notamment, de l’indisponibilité des équipes médicales et paramédicales, ainsi que des blocs opératoires », soulignait l’Agence de Biomédecine début novembre. « Pendant la seconde vague, on a eu des contaminations de personnels – des infirmières, des internes », atteste le spécialiste, qui se félicite, pour autant, d’avoir réussi à maintenir l’activité malgré des effectifs réduits. « Ce sont des journées un peu plus longues avec plus d’astreintes. Et les médecins séniors consacrent un peu moins de temps à la recherche », précise-t-il. Des difficultés quotidiennes relevées grâce à la mobilisation des équipes. « Ce que je sais, c’est que les équipes ont fait leur maximum pendant la deuxième vague », indique Antoine Sicard, qui tient à saluer les efforts de la sienne.

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