En pleine seconde vague, la greffe à partir de donneurs vivants (re)prend à Nice !

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Alors que la deuxième vague continue de malmener les hôpitaux français, le CHU de Nice navigue à vue. Sur place ce mercredi 16 décembre, What's up Doc assiste à la première greffe rénale à partir de donneur vivant depuis des mois.
 

En pleine seconde vague, la greffe à partir de donneurs vivants (re)prend à Nice !

« La transplantation rénale à partir de donneurs-vivants a été provisoirement suspendue dans les CHU de Lyon, Clermont-Ferrand, Dijon, Toulouse et Montpellier », annonçait l’agence de Biomédecine le 24 novembre dernier. Une décision forte, motivée par la saturation des services, qui semble bien loin des préoccupations du Dr Matthieu Durand en ce mercredi 16 décembre. La tête baignée par les lumières des néons du bloc opératoire du CHU de Nice, le chirurgien-urologue se prépare à débuter sa première opération de transplantation rénale à partir de donneur-vivant depuis mars. Un petit événement aux airs de renouveau pour cet hôpital qui en effectue habituellement une quinzaine par an. « La transplantation rénale à partir de donneurs vivants mobilise habituellement deux blocs , tempère tout de même l’urologue. Là, je n’en ai qu'un. »
 
Une contrariété dont l’équipe chirurgicale, constituée notamment d’une infirmière de bloc, d’une élève Ibode, de plusieurs internes et d’une externe, est prête à s’accommoder. Les yeux rivés sur l’écran de contrôle, l'urologue dirige, mot à mot, incision après incision, les gestes de son assistant-spécialiste la tête vissée dans le robot-chirurgien. « Tu n’es pas très incisif ce matin », lui lâche-t-il, les yeux souriants et la voix rieuse. Une apparente légèreté, ponctuée d'une musique discrète raisonnant dans le bloc, qui détonne avec la situation sanitaire qui continue de provoquer l’occupation de dix-huit lits de réanimation à l’Hôpital Pasteur. « La pression s’est quelque peu allégée depuis que tous les patients sont testés par test PCR avant d’entrer au bloc », confie Christophe, un interne anesthésiste qui, malgré son masque, semble visiblement soulagé.
 
« Baisse la musique, baisse la musique. J’ai un petit saignement », lâche le Dr Matthieu Durand, manettes désormais aux poings. À mesure que les notes de musique se font plus discrètes, les voix se muent en murmure. « On est pas mal », désamorce le Dr Matthieu Durand après quelques minutes de concentration. Une phrase, ponctuée de la reprise des conversations, bientôt suivie d’une autre. « Oscar, t’es en place ? ». Situé à quelques mètres d’un chariot, l’intéressé attend patiemment que l’organe rejoigne la poche de glace préparée quelques minutes auparavant. « Rotation, déploiement », lance une voix. En une seconde à peine, le rein déshabillé s’échappe dans une poche en plastique chargée de l’emmener jusqu'au chariot situé à proximité. « Quel est le temps ? », lâche le chirurgien à l’intention de l’élève Ibode mobilisée pour face au manque de personnel. « 11h18 et 12 secondes », répond celle qui n’est restée qu’un mois sur les bancs de l’école avant que sa formation ne soit suspendue. Et de rapidement se corriger : « Six minutes ! ». « Oui, donne-moi juste la durée. Je m’en fiche de l’heure », répond fermement le spécialiste.
 
Aux quatre coins de la pièce, la tension un instant palpable a laissé place à un fourmillement incessant. Tandis que l’assistant-spécialiste remplace le sang du rein par une solution de préservation, l’interne en chirurgie recoud minutieusement la patiente endormie. « On la sort dans trente minutes », lâche Christophe. Un temps que le receveur passera, lui, dans le sas avant de rejoindre la place d’abord occupée par sa femme. « Pour le receveur : plus tôt il est greffé, meilleure sera la récupération », indique Yohan, l’assistant-spécialiste, ses mains doublement gantées tenant soigneusement l’organe froid qui sera alloué à ce dernier. 
 
Alors que l’horloge au fond de la pièce affiche 13h45, le ballet continue autour de la donneuse laisse bientôt place à une valse millimétrée autour de son mari. Penchés sur la table de cette opération ouverte, le Dr Matthieu Durand et son interne en chirurgie s’attaquent, fil après fil, à la transplantation rénale de cet homme qui a déjà reçu une greffe il y a de cela 25 ans. « Son précédent rein a bien duré, souligne le chirurgien. Une greffe rénale de donneurs vivant ou décédé, c’est dix ans d’espérance de vie en plus par rapport à la dialyse ». À ses côtés, l’externe, les yeux grands ouverts et les lunettes vissées sur le bout du nez, tient distraitement l’aspiration. « Regardez, il y a de l’urine qui sort de l’urètre. Ça marche ! », se réjouit l’urologue, alors qu’un léger filet s’échappe du canal qu’il s’apprête à recoudre. « Ça y est, le rein est dans sa maison », souffle le chef d’orchestre à l’intention de toutes les personnes présentes dans la salle.
 
À quelques mètres, la porte du bloc opératoire s’ouvre à la volée. « Le prochain patient que doit opérer à 40,1° de fièvre, mais il est négatif au Covid », lâche un homme, dissimulée sous une charlotte bleue. Et l’instant d’émerveillement est rapidement remplacé par le rappel cru de la pile de dossiers de soins à reprogrammer qui continue de s’amonceler en raison de la crise sanitaire. « Bah, on ne l’opère pas », répond le Dr Matthieu Durand, les yeux toujours rivés sur son patient.
 

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