Je suis psy, et j'ai testé la téléconsultation !

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Depuis le 15 septembre, les téléconsultations médicales sont remboursées au même titre que les consultations classiques. Un changement de paradigme qui a un impact sur les conditions d’exercice des professionnels de santé. Pour s’en rendre compte, nous sommes allés à la rencontre de Jean-Marie Pairin. Installé en libéral dans le 17ème arrondissement de Paris, ce psychiatre de 32 ans s’est lancé depuis février 2018 dans l’aventure de la téléconsultation. Pour le meilleur et… pour le pire.

Je suis psy, et j'ai testé la téléconsultation !

Tout a démarré le jour où l’un des patients de Jean-Marie Pairin a traversé l’Atlantique pour séjourner au Canada durant un mois. Un mois, cela peut paraître court, mais c’est aussi très long pour les patients qui sont en dépression. En particulier quand le traitement médicamenteux ne semble pas adapté. L’attente aurait même été interminable si le patient de Jean-Marie Pairin avait dû trouver un psy sur place: «On avait besoin de se voir une fois par semaine et je devais changer le dosage des médicaments, se souvient le psychiatre. Or, en dehors des urgences, il n’y avait pas d’autre possibilité de lui prescrire un traitement car il faut beaucoup de temps pour trouver un psychiatre de référence au Canada. Grâce à la téléconsultation, j’ai pu le « voir » deux fois à distance en un mois, mais aussi lui prescrire une ordonnance pour qu’il puisse avoir accès à des médicaments. »

Consulter un patient en sautant l'Atlantique

C’est donc avant tout pour le « côté pratique de la télémédecine » que le psychiatre s’est lancé dans l’aventure. Non pas pour réduire ses déplacements ou le temps d’attente dans son cabinet, mais pour « pouvoir voir en consultation les patients que je ne pourrais pas voir autrement, affirme le Dr Pairin. Quand j’ai besoin de voir un patient à distance, ou en cas d’urgence, j’ai désormais la possibilité de le faire grâce à la téléconsultation. »
Le psychiatre n’exclut pas non plus « la possibilité de recruter des patients supplémentaires sur certains créneaux grâce à la téléconsultation, en faisant par exemple du télétravail ». Mais ce n’est pas pour l’instant sa « priorité ». La téléconsultation se résume en effet pour lui à une « pratique d’appoint » puisqu’elle représente à peine 2 % de son activité.
Pour quelles raisons ? Parce que le psychiatre préfère rencontrer les patients en chair et en os avant de basculer éventuellement vers la télémédecine : « En général, je ne fais pas de suivi de téléconsultation avec les patients que je n’ai pas rencontrés dans la réalité. Je pense que c’est possible dans le cadre d’une prise en charge purement médicale, mais c’est plus complexe en psychiatrie car il y a une grosse part de relationnel. J’ai besoin de voir la personne physiquement car de nombreux codes sociaux rentrent en jeu quand la personne rentre dans mon bureau lors d’une première rencontre ».

La téléconsultation est à la consultation ce que le cinéma est au théâtre

Mais quelle est donc la part de relationnel qui manque au psychiatre dans le cadre d’une téléconsultation ? Quelle est la différence avec une consultation « classique » ? « C’est un peu comme la différence entre le cinéma et le théâtre, confie le Dr Pairin. Quand vous allez au cinéma, vous voyez les acteurs avec une certaine distance, tandis qu’au théâtre, il y a une forme d’interaction. Pour moi, c’est important de vivre cette interaction avant d’envisager une téléconsultation où l’on pourra plus facilement évaluer la situation. »
Cette interaction peut s’avérer particulièrement précieuse dans le cadre d’une psychothérapie : « Je suis moins à l’aise avec la téléconsultation quand on doit rentrer dans des approches plus psychothérapiques, confesse le psychiatre. Je l’utilise moins dans ce genre de circonstances parce qu’il y a une barrière créée par la webcam, quelque chose qui crée un artifice. J’arriverai peut-être à dépasser cette barrière avec l’expérience et l’habitude, mais ce n’est pas le cas pour le moment. »
À l’inverse, « la partie pharmacologique » passe comme une lettre à la poste avec la téléconsultation, a constaté le Dr Pairin : « Le recueil des symptômes, l’évaluation d’une situation et l’adaptation des traitements ne posent aucun problème. »

Au cas par cas

Ce sont en partie les raisons pour lesquelles le psychiatre fonctionne « au cas par cas », choisissant ou non d’opter pour la télémédecine en fonction du degré de complexité de la prise en charge. « Quand les situations sont trop complexes, je ne me sens pas capable de faire de la téléconsultation », avoue le Dr Pairin. En outre, son métier l’amène parfois à s’appuyer sur un réseau local de spécialistes (centres de consultations spécialisés, associations...). Or, « je n’ai pas accès à ce réseau quand je fais de la téléconsultation. C’est en partie pour cela que je sélectionne mes patients en amont ».

Vous pouvez répétez ? La connexion est mauvaise !

Il arrive également que le psychiatre soit confronté à d’autres problèmes de réseau dans le cadre de téléconsultations : « La communication peut couper à tout moment, cela ne fonctionne pas toujours comme on le désire, donc cela peut parfois être très frustrant. On peut perdre du temps en raison des contraintes techniques. » Voire demander au patient de répéter plusieurs fois la même chose quand la connexion internet n’est pas optimale ! Mais ces problèmes techniques restent anecdotiques pour le Dr Pairin qui est persuadé que les médecins généralistes et les spécialistes sont « condamnés à aller de plus en plus vers la téléconsultation ». Pourquoi ? Parce que cette solution « propose un service novateur aux patients ». En outre, « de plus en plus d’entreprises se précipitent vers ce nouveau marché. Donc soit on prend le train en marche, soit on se fera bouffer ! »
 
 

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