Installation libérale : On a failli déposer le bilan !

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En 2009, les docteurs Cédric et Hervé Jolly créent leur cabinet de médecine générale non sans quelques encombres… Cédric fait part de leurs débuts, et de leurs amertumes.

Installation libérale : On a failli déposer le bilan !

WUD Pourquoi avoir créé un  cabinet plutôt que de reprendre  celui d’un confrère ?

Cédric On n’avait rien dans les  poches et on ne voulait pas payer  dans le vent, acheter une clientèle  qui ne viendrait pas forcément  au cabinet après. Et puis surtout,  on voulait créer une patientèle qui  nous ressemble, pas forcément  reprendre les anciennes habitudes  d’un vieux médecin…

 

WUD Quelles ont été les  principales difficultés quand  vous vous êtes installés ?

Cédric Principalement financières.  On voulait acheter les murs et  non les louer. On a fait un achat  immobilier et on se l’est loué à nous-mêmes.

Les charges de base ont été  particulièrement rudes, surtout  celles de la CARMF* qui ne prend  pas en compte ce que l’on gagne  réellement. Elle fonctionne au forfait : 5 000 € /an je crois, et ça, c’est énorme ! C’était le pire. L’URSSAF** ça va encore, c’est proportionnel, mais la CARMF, non ! En plus, sur les appels de cotisations, elle indique qu’on n’aura rien à la retraite !

Décourageant… On cotise pour les retraités actuels. Ensuite, il a fallu développer notre patientèle. On est parti de rien et on faisait parfois des journées à zéro. Pas un patient ! Heureusement,  c’est devenu de plus en plus rare, mais bonjour l’angoisse au début.

 

WUD Justement, comment avez-vous géré vos angoisses ?

Cédric Très dur. On se disait réellement : ça ne marchera pas, impossible… On a même été obligé de faire une autre activité en complément. J’ai continué les gardes de nuit à SOS médecins et mon frère faisait des rapatriements sanitaires. Au total, c’est ce qui nous a permis de passer le cap.

 

WUD Pourquoi aussi peu de patients au début ? D’autres cabinets à proximité ?

Cédric Non, les gens ne savaient pas qu’on était là, tout simplement. On a dû faire le tour du quartier pour se faire connaître.

On a développé une activité d’ostéopathie complémentaire.

Mais tout ça prend du temps avant que les patients changent leurs habitudes.

 

WUD Si c’était à refaire, est-ce que ton frère et toi feriez les mêmes choix ?

Cédric Je ne ferais pas médecine gé, je choisirais plutôt une autre spé. Non, je plaisante !

On ferait pareil, le début c’est la galère, mais aujourd’hui on ne s’en sort pas trop mal. On avait prévu de travailler à 2 avec mon frère et on avait équipé 2 cabinets. On aurait dû en équiper un seul… oui, ça c’est vrai car même après 5 ans, on ne travaille jamais ensemble.

 

WUD Et tu te serais engagé, solo, sans ton frère ?

Cédric Non. Impossible d’être seul. Je le déconseille. Je n’aurais pas pu faire autre chose à côté, le temps du lancement.

Je n’aurais pas tenu avec une salle d’attente vide et mes charges à payer. Il fallait faire rentrer de l’argent.

 

WUD Justement, en combien de temps vous avez pu couvrir vos charges ?

Cédric Quasiment 2 ans, en fait.

 

WUD Maintenant que tu es installé, quels conseils donnerais-tu à tes confrères plus jeunes ?

Cédric Partir de France ! C’est un constat amer mais c’est le pays où les médecins sont le moins reconnus d’Europe. La principale raison pour s’installer c’est la liberté, pas l’argent, il ne faut pas l’oublier sinon on devient prisonnier. Enfin, je conseillerais de ne jamais s’installer seul sinon on n’a plus de vie. Il faut pouvoir partager la charge de travail  car les patients, plus on leur donne, plus ils prennent…

 

 

*CARMF : Caisse autonome de retraite des médecins de France

**URSSAF : Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocation familiale

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