Et si on faisait de l’hôpital post-covid un hôpital vert ?

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Une cinquantaine d’hospitaliers ont publié début juin un manifeste visant à tirer les leçons de la crise du coronavirus, en inventant un hôpital plus respectueux de l’environnement.

Et si on faisait de l’hôpital post-covid un hôpital vert ?

Parmi les initiatives cherchant à définir ce que doit être l’hôpital post-covid, il en est une qui a l’originalité de ne pas se focaliser uniquement sur les question du salaire des soignants, du nombre de lits de réa ou de la disponibilité des masques : c’est le manifeste intitulé « Penser les établissements de santé, après ». Publié au début du mois par un groupe de soignants fédérés autour de l’association « Agir durablement en santé en Nouvelle Aquitaine » (ADSNA), ce texte lie en effet les questions sanitaires, économiques et environnementales. Il a une conviction : les établissements doivent mettre les remarquables capacités d’adaptation qu’ils ont démontrées pendant la crise au service de la transition écologique.

« La crise que nous venons de vivre doit être vue comme un signal d’alarme », explique le Dr Noëlle Bernard, interniste au CHU de Bordeaux, qui a corédigé le texte avec Bernard Jourdain, chargé du développement durable au CH de Niort et président d’ADSNA. Pour elle, le coronavirus est, entre autres choses, un avatar de la « prédation de l’homme » sur son environnement. Il va donc falloir que tout le monde se mette à changer, y compris l’hôpital. Et la bonne nouvelle, c’est que contrairement à une idée reçue, les établissements sanitaires ont la capacité de se transformer.

De la péniche au hors-bord

C’est du moins l’une des leçons que l’on peut, d’après les signataires du manifeste, tirer de la manière dont ils ont réagi à la crise. « Chaque professionnel de santé a su s’adapter et a contribué à la transformation indispensable de son établissement », écrivent-ils. Ajoutant que face à l’épidémie, nombre d’entre eux ont eu l’impression de voir, à une vitesse vertigineuse, « une péniche se transformer en hors-bord ». Il serait donc dommage de ne pas tirer profit de cette capacité d’adaptation inespérée pour répondre au défi du siècle : le défi environnemental.

Pour ce faire, le manifeste lance une série de pistes, à commencer par… des pistes d’économies. Mais attention, des économies « au bon endroit » : sur les transports sanitaires non justifiés, sur la surconsommation de soins induite selon les signataires par la Tarification à l’activité (T2A)… Le texte en appelle par ailleurs à la création d’unités de soins durables. L’objectif ? « Produire moins de déchets et mieux trier, limiter les consommations d’eau et d’énergie, limiter le gaspillage de médicaments, optimiser le parcours de soins », énumèrent les signataires.

Ceux-ci en appellent également à une meilleure intégration de l’hôpital dans son territoire, non pas au sens technocratique du terme sous-tendu par les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), mais au sens le plus concret, en favorisant les relations avec les fournisseurs locaux. Voilà qui permettrait de réduire l’impact environnemental des achats d’une part, mais aussi de favoriser la résilience des établissements.

Et maintenant, on fait comment ?

Reste la question de la manière dont ces bonnes intentions peuvent être traduites dans la réalité. Et c’est là que les choses se corsent. « Notre objectif est que le texte arrive entre des mains importantes afin de pouvoir être force de proposition », explique Noëlle Bernard, qui indique qu’une rencontre pourrait se tenir prochainement entre les signataires du manifeste. Elle estime que les temps sont propices aux changements, notamment avec les discussions en cours à l’occasion du Ségur de la santé.

Mais il y aura probablement fort à faire pour convaincre. Si certaines mesures préconisées dans le manifeste, comme la lutte contre le gaspillage, sont sources d’économies, la transition vers des méthodes plus respectueuses de l’environnement peut, par certains autres aspects, avoir un coût important. Voilà qui pourrait ne pas avoir très bonne presse aux yeux de décideurs politiques qui s’apprêtent à vivre une crise économique majeure, et donc une réduction drastique de leurs marges de manœuvre budgétaires.

« Il y a un moment où il faut arrêter le court terme, rétorque Noëlle Bernard. On doit pouvoir comprendre qu’il est parfois nécessaire d’investir dans des achats plus chers initialement, mais pourvoyeurs d’économies et d’écologie à un horizon de trois ou quatre ans ». Un argumentaire solide, mais qui aura besoin d’être soutenu par le plus grand nombre s’il veut parvenir en haut lieu. Ceux qui veulent joindre leurs voix aux signataires du manifeste peuvent justement écrire à l’ADSNA : adsna@laposte.net.

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