Et si des centaines de patients utilisaient chaque jour des respirateurs Philips qui causent le cancer ?

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Certains appareils respiratoires Philips peuvent-ils causer des cancers ? La question, loin d'être tranchée, met à l'épreuve les autorités sanitaires françaises. Elles font pression sur le géant industriel pour accélérer leur remplacement, mais craignent aussi un vent de panique chez les patients. Chacun retient son souffle.

Et si des centaines de patients utilisaient chaque jour des respirateurs Philips qui causent le cancer ?

"Philips ne respecte pas ses engagements", a déclaré mardi, lors d'une conférence de presse, Caroline Semaille, directrice adjointe de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

La situation n'est "plus acceptable", a-t-elle insisté.

De quoi s'agit-il ? De quelque 370.000 appareils respiratoires défectueux en France - 1,5 million en Europe - et susceptibles de créer certains problèmes de santé.

Philips avait annoncé l'été dernier un vaste rappel de ces appareils, surtout utilisés contre l'apnée du sommeil. En cause, une mousse insonorisante dont les particules s'échappent et peuvent être inhalées ou ingérées par le patient.

Le risque immédiat, et signalé par de multiples patients, c'est d'irriter l'utilisateur et de lui causer ainsi toux ou maux de tête.

Mais, surtout, Philips a évoqué un risque théorique de cancer à plus long terme, même si rien n'indique encore son existence réelle.

Le groupe a donc promis à l'époque de remplacer tous les appareils. Seulement, plusieurs mois après, on en est loin : en France, selon l'ANSM, seuls 7% d'entre eux ont été repris.

Désormais, l'autorité veut utiliser la manière forte contre Philips, dont les comptes ont par ailleurs déjà lourdement souffert de cette affaire avec une provision de plusieurs centaines de millions d'euros pour faire face au manque à gagner potentiel.

L'ANSM va, dans les prochains jours, engager une "décision de police sanitaire". Concrètement, cela veut dire que Philips s'exposera à des poursuites pénales s'il ne respecte pas le calendrier imposé par l'autorité.

Celle-ci exige notamment que le groupe ait remplacé trois quarts des appareils d'ici à fin juin. Elle lui demande aussi de lancer une étude pour évaluer précisément les risques, en particulier ceux de cancer.

« Il vaut mieux conserver un respirateur défectueux, que pas d’appareil du tout »

Car ces derniers n'étant pour l'heure que théoriques, cela met les autorités sanitaires dans une situation délicate.

Elles sont, d'un côté, incitées à agir vite face à l'inquiétude des associations de patients. Certains médias ont aussi relayé ces derniers jours des témoignages isolés de personnes atteintes de cancer après avoir utilisé ces appareils, même s'il est impossible d'établir un lien de cause à effet.

L'agence française, qui se revendique en pointe sur le sujet par rapport à ses homologues européennes, est aussi confrontée à l'exemple de l'autorité américaine de santé, la FDA, qui enquête depuis des mois et dit avoir établi que Philips avait eu vent depuis des années de problèmes potentiels.

Mais, en attirant l'attention sur les problèmes des respirateurs Philips, les autorités ont aussi conscience qu'elles peuvent créer un vent de panique chez les utilisateurs, ce qui peut être bien plus délétère que les risques hypothétiques de cancer.

Tout en affichant sa fermeté face à Philips, l'ANSM cherche donc à se montrer rassurante auprès des patients concernés en les pressant de ne surtout pas se défaire de leurs appareils.

"Il vaut mieux conserver un appareil défectueux plutôt que ne plus avoir d'appareil du tout", a prévenu Mme Semaille. "Ce qu'on ne souhaite pas, c'est qu'il y ait une vague alarmiste."

Les données actuellement disponibles sont d'ailleurs plutôt rassurantes quant au risque de cancer. L'ANSM cite notamment une étude effectuée au Canada sur un groupe de patients atteints d'apnée du sommeil.

"Pour l'instant, les résultats (...) ne montrent pas de sur-risque", a rapporté Mme Semaille.

L'ANSM souhaite toutefois disposer de ses propres éléments et, pour ce faire, envisage d'engager une étude en France à partir des données de l'Assurance maladie. Elle va aussi, dans l'immédiat, se doter d'un comité d'experts chargés d'évaluer le dossier.

Quant au groupe Philips, sollicité par l'AFP, il n'a pas donné de réaction dans l'immédiat.

"Nous restons extrêmement concentrés sur la réparation et le remplacement de dispositifs liés à ce rappel", avait déclaré fin janvier son patron, Frans van Houten, admettant qu'il faudrait sûrement "plusieurs années" pour rétablir la part de marché du groupe dans le secteur du sommeil.

Avec AFP

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