Enseigner la médecine à Shanghai: carnet de voyage d’une interne

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Interne en oncologie médicale à Lyon, Pauline Corbaux est partie un an à Shanghai pour enseigner la médecine française aux étudiants chinois. Coup de projecteur sur un partenariat universitaire qui a permis à l’étudiante de découvrir une autre vision de la médecine.
 

Enseigner la médecine à Shanghai: carnet de voyage d’une interne

Pauline Corbaux avait déjà une certaine expérience de l’enseignement. En tant qu’interne, elle avait déjà donné des conférences ou fait du tutorat. L’objectif de son départ en Chine était donc « d’acquérir plus d’expérience », de voyager, de « faire un break » au cours de son internat… Et, bien sûr, de « découvrir comment est enseigné la médecine en Chine ».
 
Après trois années d’internat, l’interne en oncologie médicale a donc quitté la fac de Lyon pour une mission longue (12 mois, de novembre 2018 à octobre 2019) de soutien à la filière de formation médicale francophone de la faculté de médecine de l'université Jiao Tong de Shanghai (FMUJTS), l’une des plus grandes universités de la capitale chinoise, dans le cadre d'une coopération avec l'Université de Lyon et les HCL (Hospices civils de Lyon).
 
Le poste est proposé chaque année aux internes (1) de la fac de Lyon qui possède des accords-cadres de coopération avec quatre universités basées à Shanghai (ECNU, Fudan, Jiao Tong et Tongji). Objectifs : permettre la création de programmes de double-diplômes, favoriser l’échange d’étudiants en mobilité et la mise en place de recherches conjointes. Un partenariat qui existe depuis le début du XXe siècle, « quand des Français avaient des concessions pour les étrangers à Shanghai. Ils avaient créé un hôpital et une faculté qui se sont pérennisés », précise Pauline Corbaux.

Enseignement médical en français

La mission des étudiants, s’ils décident de l’accepter ? Faire de l’enseignement médical pour les étudiants chinois de 4e, 5e et 6e année de la filière francophone des études médicales. Le tout, bien sûr, est réalisé en français sous la forme de conférences, d'analyses de cas cliniques (problem-based learning), à raison d'une séance de 2 h par semaine par promotion (au total 3 promotions d'une trentaine d'étudiants). Aucune compétence linguistique particulière n'est requise, en dehors de la langue française. Sur place, l’interne français travaille en effet en binôme avec un professeur de langue étrangère.

Par ailleurs, « il y a des cas cliniques qui reprennent le programme des internes pour que les étudiants chinois puissent à terme prendre un poste de FFI (Faisant fonction d'interne ; NDLR), explique l’interne en oncologie médicale. Les cours portent sur tout le programme des ECN et sur la façon d’enseigner en France, c'est-à-dire avec des cas cliniques qui n’existent pas en Chine. Là-bas, il y a beaucoup de cours magistraux, mais pas de réflexion médicale via des cas cliniques. »

L’enseignement de la médecine française aide également les étudiants asiatiques « à se détacher des enjeux chinois », poursuit Pauline Corbaux. Il s’agit en effet de préparer au départ pour la France les étudiants et médecins chinois :  étudiants sélectionnés pour devenir FFI, futurs enseignants chercheurs ou hospitaliers francophones candidats à un DFMSA, étudiants de 4ème ou 5ème année candidats à un stage d'été d'étudiant hospitalier dans un CHU français…

Une autre approche de la médecine

On leur délivre donc des notions théoriques sur l'organisation et le fonctionnement des hôpitaux et des facultés de médecine français, mais aussi sur le système de protection sociale, afin qu'ils puissent prendre efficacement leurs fonctions dès leur arrivée. Sont également enseignées : des notions pratiques sur les modalités d'accueil des malades, les formalités administratives, ainsi que la gestion des dossiers médicaux ou la nomenclature des médicaments utilisés en France.

Quant aux internes français qui passent un an en Chine, ils découvrent une autre approche de la médecine. « Cette expérience en Chine m’a permis de prendre du recul sur tout : la formation de médecine, la société française, la vie en général…", confie Pauline Corbaux qui s’est rendu compte du fossé qui existait entre la France et « l’empire du Milieu », même si les deux pays ont « des points communs sur la manière d’enseigner la médecine, même si on se pose les mêmes questions, même si on a des cours similaires. Mais les enjeux des deux pays ne sont pas comparables. »

Une prise en charge différente

À titre d’exemple, la prise en charge est complètement différente en Chine, notamment parce que « ce n’est pas la même échelle, a constaté Pauline Corbaux. Là-bas, il y a beaucoup plus de patients à prendre en charge. Donc les médecins chinois se focalisent sur l’essentiel. Le temps de l’interrogatoire est moins long et cela va beaucoup plus vite pour faire des examens complémentaires ».
 
Ce sont aussi « les contrastes importants » du pays qui ont interpellé l’interne en oncologie médicale : « Il y a une volonté forte de développer les compétences techniques en Chine. Certaines spécialités sont très développées, comme par exemple la chirurgie robotique du pancréas ».
 
Et, dans le même temps, « il n'est pas possible de prendre en charge toutes les pathologies car les médicaments ne peuvent pas être remboursés pour tout le monde, notamment en cancérologie où de nombreux traitements ne sont pas remboursés ».
 

1 : à condition d’avoir obtenu une mise en disponibilité pour une période d'un an.
 

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