En annonçant une mortalité Covid plus élevée chez les anest que chez les MIR, le Pr Maury scandalise

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Interrogé par le Sénat le 15 octobre dernier, le Pr Éric Maury, chiffre à l'appui, a affirmé que la mortalité des patients Covid19 était plus importante chez les anesthésistes réanimateurs que chez les intensivistes. Les associations et syndicats d'anesthésistes ont décidé de saisir le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom). 

En annonçant une mortalité Covid plus élevée chez les anest que chez les MIR, le Pr Maury scandalise

Le professeur Éric Maury avait déjà, dans un passé proche, provoqué la consternation des anesthésistes réanimateurs (MAR) en plein stade épidémique de Covid19, le 16 avril dernier. Dans un entretien au quotidien breton Le Telegramme, le président de la société de réanimation en langue française (SRLF) avait déploré, parlant de la mise en place de services de réanimation par des MAR, de « réanimation dégradée, avec du personnel bénévole plein de bonne volonté, mais pas spécialisé et habitué à ce service ». Et d’ajouter : « Je n’aimerais pas que mes proches y soient envoyés. Mais en ce moment, on n’a pas le choix. » Le même professeur Maury a récidivé, troquant le ton pamphlétaire pour celui du scientifique, cette fois-ci.
En effet, interrogé ce 15 octobre par la commission des évaluations politiques publiques face aux pandémies du Sénat, le Pr Maury, après avoir défini les différences entre MIR et MAR tout en restant courtois, a présenté une étude tirée d’un service de réanimation mis en place pendant la Covid19 à l’hôpital Henri Mondor : « sans vouloir polémiquer je voudrais montrer un résultat qui a été publié lors de notre e-congrès de septembre dernier : la présentation de l’expérience de Henri Mondor, présenté par un médecin anesthésiste et un médecin intensiviste. » Cette étude a consisté à comparer le travail effectué dans cette unité entre les résultats des MIR et ceux des MAR, à partir du 9 avril : « L’équipement d’un nouveau service a permis de monter 43 lits et de prendre en charge un bon nombre de patients à partir du 9 avril. Deux secteurs ont été comparés, d’une part un secteur MIR avec une extension du service de réanimation médical existant et une section MAR disponible parce que la chirurgie a été déprogrammée et on ne peut que les en remercier. Les patients semblaient à peu près comparables en termes de gravité, autant de patients ventilés, 92% donc des patients très graves, un quart des patients sont sous ecmo et quand on regarde au final les décès on observe que la mortalité est plus importante dans l’unité par des gens dont le métier initial n’est pas de faire de la réanimation. »

Sur la diapositive présentée, en effet, le taux de décès dans le secteur MIR était de 17% (8 décès)et de 32% (13 décès) dans le secteur MAR. Ce qui a inspiré au Pr Maury cette conclusion, un brin condescendante : « On ne fait correctement que ce que l’on fait régulièrement et c’est l’exercice régulier qui définit la compétence, et je crois que les MAR ont été mis en difficulté dans des situations qu’il n’avait pas l’habitude de gérer, mais on ne peut que les remercier pour ce qu’ils ont fait ; et ils ont fait de la réanimation comme il pouvait. »

Émotion chez les MAR

Il n’en fallait pas plus pour susciter l’indignation chez les principaux concernés, à savoir les MAR. « Le Professeur Éric Maury, Président de la Société de Réanimation de Langue Française, à l’occasion de la session du 14 octobre 2020 de la commission sénatoriale sur la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19, a tenu des propos diffamatoires à l’égard des médecins anesthésistes-réanimateurs. L’émotion de notre collectivité est très forte car ces propos calomnieux mettent en doute le professionnalisme et les compétences des médecins anesthésistes-réanimateurs en particulier par une interprétation fallacieuse de données biaisées », lui répondait la société française d’anesthésie réanimation (SFAR). Dans un communiqué commun signé par le SNPHARE, le SNARF, le CNP-AR, le Smarnu, le CNEAR, la Sfar, les associations et syndicats d’anesthésistes rappellent que « l’heure n’est pas à la division ou à la polémique entre anesthésistes-réanimateurs et intensivistes qui pourrait remettre en cause l’ensemble du travail effectué par la communauté des médecins réanimateurs face à la plus grande crise sanitaire du 21e siècle ». Mais ils « ont pris la décision de saisir le Conseil de l’Ordre des médecins », car « à plusieurs reprises au cours des derniers mois, les propos du Pr Éric Maury probablement éloignés de la pensée des médecins intensivistes qu’il représente, ont porté atteinte à la dignité des anesthésistes-réanimateurs en mettant en doute la qualité de leur pratique et de leur formation ».

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