
Dr Olivia Fraigneau.
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What’s up doc : Peux-tu nous raconter ton premier souvenir d’interne ?
Olivia Fraigneau. Lors de mon premier jour, je me rappelle m’être complètement perdue dans l’hôpital… J’ai passé une heure à errer dans les couloirs, avant de finalement sortir de l’établissement pour pouvoir retrouver mon chemin ! J’ai fini par voir mon premier patient, seule. Je suis allée voir mon chef pour qu’il confirme mon diagnostic. Il m’a répondu de ne pas venir le consulter à moins d’avoir un problème. Le lendemain, quand j’ai vu le patient revenir, j’étais morte de stress à l’idée d’avoir fait une erreur… alors qu’il avait juste égaré son ordonnance !
Comment as-tu réussi à prendre confiance en toi au cours de ton internat ?
OF. À force d’être exposée à la prise de décision, j’ai été de plus en plus à l’aise. La répétition des actes aide à prendre confiance. Le fait que mon travail ait pu être valorisé à certains moments par mes encadrants m’a aussi aidée. Enfin, il est très important de prendre du recul pour voir les progrès qu’on a accomplis, de visualiser le chemin parcouru !
« Si on fait une pause et qu'on s'absente pour se reposer, l'hôpital ne va pas plus s'effondrer... »
Pour autant, tu as vécu un burn-out. Que dirais-tu aux internes qui traversent la même situation ?
OF. Je leur dirais qu’il est fondamental de s’écouter, et parfois de s’arrêter. Lorsqu’on traverse cette situation comme moi à cette époque, plus on attend, plus on se met en danger, et les patients avec. À trop tirer sur la corde, on risque de ne jamais pouvoir se remettre au travail. Il faut avoir conscience de ça : la terre ne va pas s’arrêter de tourner si on fait une pause et qu’on s’absente pour se reposer… ou plutôt l’hôpital va continuer de s’effondrer, mais pas plus que si on y était présent ! Il faut aussi savoir s’entourer de ses proches, et surtout accepter la situation, la nécessité de se faire aider. On ne guérit pas d’un burn-out tout seul.
As-tu songé à abandonner la médecine pendant ton internat ?
OF. Oui, j’y ai songé à plusieurs reprises au cours de mes études, et surtout pendant mon burn-out. Ce qui m’a mise très en colère, car je rêvais de devenir médecin depuis toute petite. Or ce que je traversais me faisait détester le métier. C’était très difficile à vivre.
C’est vraiment une des pires périodes qu’il m’a été donné de traverser, et pour autant, ça aurait pu être la plus belle : c’est mon principal regret. Je pense qu’on a tous le pouvoir de transformer ces années en quelque chose de magnifique, en veillant les uns sur les autres, en apprenant à dire non quand c’est nécessaire.
Heureusement, quand j’ai repris le travail après mon arrêt et après avoir changé de service, mon chef a été génial avec moi. Il m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour m’aider, en prenant le temps et en posant sa main sur mon épaule. Ce geste m’a guérie. Je me suis dit : « ici, il ne va rien m’arriver ». Chaque jour, je reprenais goût à mon métier.
« Après l'ISNI, j'ai eu besoin de couper un peu, aujourd'hui, l'AJMU, c'est mon nouveau bébé ! »
Tu viens d’être élue vice-présidente de l’AJMU. L’engagement associatif te manquait ?
OF. Oui ! Ça a toujours fait partie de ma vie. Après l’ISNI, dont j’étais présidente, j’ai eu besoin de couper un peu pour me reposer. Aujourd’hui, l’AJMU, c’est mon nouveau bébé.
Quel a été ton meilleur souvenir ?
OF. Il y en a beaucoup ! La thèse, évidemment, que j’ai vécue comme une consécration et une grande fierté, entourée de ma famille. Il y a aussi les moments d’équipe, les surprises organisées lors d’une dernière garde, avant un départ, pour me remercier du temps passé dans le service. Et surtout, il y a les moments avec les patients – des gens qui nous envoient leurs remerciements, ou une situation qui finit bien alors qu’on n’y croyait pas : il y a beaucoup de joie dans notre métier.