Didier Touzeau

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Psychiatre, chef du pôle Addictions du centre hospitalier Paul-Guiraud (Villejuif 94), rédacteur en chef du Courrier des addictions (Edimark)

Didier Touzeau

Quelle est la première fois où...

… tu as voulu faire médecine ? J’étais au lycée lors des événements de mai 68, et j’étais très impliqué. Je n’étais pas pris en prépa, ce qui aurait dû être ma voie. Mais les événements politiques ont peut-être déterminé mon choix de médecine, parce  que ça m’a donné envie de m’occuper des gens, de m’éloigner des sciences dures.

… tu as examiné un patient ? Lors de mon premier stage d’externe, en réanimation pédiatrique, alors que je n’avais pas été formé à la pédiatrie ! Je ne peux pas dire que j’ai alors examiné un bébé, mais plutôt que j’ai aidé une infirmière à soigner un bébé. Et puis après j’ai réussi à trouver un stage d’externe où j’ai pu commencer à apprendre la médecine. Les études étaient à ce niveau-là très mal organisées à cette époque.

… tu as voulu faire ta spécialité ? J’ai fait de la médecine générale dans l’hôpital de la Cité universitaire, un hôpital assez marginal à l’AP-HP. Tous les médecins étaient formés à Ballint et à la psychanalyse. Je m’occupais de patients en fin de vie, les soins palliatifs n’existaient pas encore à cette époque. Les patients souffraient beaucoup, on n’utilisait pas la morphine à l’AP-HP, parce que c’était un stupéfiant ! Dans cet hôpital, j’ai appris à le faire, utiliser la « potion de Saint-Christopher », du nom d’une clinique qui développait des protocoles de soins palliatifs. On aidait les gens à moins souffrir. Malgré mon attrait pour la technicité de la médecine, elle ne me suffisait pas, et je me suis orienté vers la psychiatrie. Arrivé à Sainte-Anne, comme je savais manier les opiacés, on m’a dit : « Tu vas t’occuper de la méthadone ! ».

… tu as eu raison contre ton chef ? C’était dans le service d’un mandarin de Cochin : quand il faisait le toucher vaginal d’une patiente qui venait de subir une FCP (fausse couche provoquée) que l’on n’appelait pas encore IVG, il demandait à l’externe de pousser sur son coude pour que l’examen soit douloureux. Bien sûr, je ne l’ai pas fait et on lui cachait les patientes avec les autres médecins.

Et la dernière fois où...

… tu es allé aux urgences voir un patient ? Moi je les y accompagne ! Ça m’est arrivé récemment encore de mettre mes patients dans la voiture et de les conduire aux urgences. On est vraiment dans l’accompagnement très serré, et comme je suis connu je sais que mon patient souffrant d’addictions sera correctement pris en charge.

… tu n’as pas su faire ? Des problèmes de gestion de violences. Le dernier passage à l’acte qu’on a vécu dans l’équipe a été très violent, avec une arme blanche. Je ne sais pas si j’ai su faire car on n’est jamais sûr d’avoir bien fait face à ces situations-là.

… tu t’es senti touché par une situation ? Une jeune femme avec trois enfants placés, une hémiplégie, une plaie articulaire inopérable, un homme qui ne s’en occupe pas… Je craignais qu’elle ne passe pas l’année. Nous poursuivons un accompagnement très serré alors que le problème d’addictions est réglé, et je crois être un de ceux avec lequel elle arrive à parler. Ces situations sont terribles. On sent que si on n’était pas là elle serait morte.

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