« Des externes qui prenaient des pots à côté sont venus nous aider »

Article Article
« Des externes qui prenaient des pots à côté sont venus nous aider »

Vendredi 13 novembre, les urgences de l’hôpital Saint-Antoine de Paris sont à quelques encablures des lieux visés par les terroristes. Les patients y affluent, mais aussi les médecins, venus voir s’ils pouvaient donner un coup de main.

 

Le Dr Youri Yordanov est urgentiste. Il était de garde de nuit à l’hôpital Saint-Antoine vendredi dernier, « et accessoirement le plus vieux » dit-il dans un sourire. Alors que Barbara, qui travaille avec lui et dont nous avons publié le témoignage hier, a passé la nuit au déchoquage, Youri a vécu une expérience différente. « Assez rapidement, j’ai dû me mettre un peu en retrait pour réorganiser le service », explique-t-il.

Une mission difficile, car lorsque les premiers blessés arrivent, Youri ne dispose que de renseignements très parcellaires sur ce qui est en train de se passer : « les seules informations que nous avions, c’est ce que les patients nous racontaient, et ce que nous pouvions savoir avec nos téléphones ».

Renforts

Sa première mission : « faire de la place ». Il faut expliquer la situation aux patients qui sont venus aux urgences pour autre chose et qui ne sont pas dans un état grave. Et il faut faire monter les autres dans les étages, pour qu’ils soient pris en charge dans d’autres services.

C’est alors que Youri a une surprise : des renforts arrivent. Spontanément. « Des médecins, d’anciens internes du service, des externes qui prenaient des pots à côté, qui nous demandaient ce qu’ils pouvaient faire pour aider », se souvient-il. Avant 22h30, soit avant le déclenchement du plan blanc, c’est une dizaine de médecins qui arrivent en renfort. Plus une bonne équipe de paramédicaux.

« Ca a été à une vitesse sidérale », se rappelle Youri. « Le truc qui me faisait peur, c’était le désordre absolu. Mais étonnamment, on a organisé cette armée de gens, il y avait toujours un infirmier ou un médecin du service pour chapeauter les volontaires et leur expliquer où se trouve le matériel, par exemple ».

La question qu’il faut se poser, c’est « est-ce que je vais me faire tirer dessus ? »

Youri reconnaît que ces renforts spontanés ont été essentiels. « Ca nous a énormément aidés, ça a été formidable », s’enthousiasme-t-il. Mais si par malheur, une telle situation se présentait à nouveau, il n’est pas sûr qu’il conseillerait aux médecins qui se trouvent alentour de se précipiter aux urgences pour donner un coup de main. « La question qu’il faut se poser, c’est "est-ce que je vais me faire tirer dessus ?" », affirme l’urgentiste. « Les gens qui sont venus auraient pu prendre une balle en traversant la rue ».

La suite de l’histoire est connue : le plan blanc est déclenché, les effectifs médicaux sont rapidement triplés. « Cela nous a donné du sang frais », se souvient Youri. L’assaut est donné au Bataclan tout proche, et jusqu’à 3 heures du matin, les blessés arrivent, par vagues successives. Puis le service se vide.

« On est restés longtemps devant les urgences à fumer des cigarettes », se souvient Youri. « Jusqu’à ce qu’on n’en ait plus ».

Les gros dossiers

+ De gros dossiers