Décret Hopsyweb : l’Ordre s’en mêle

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Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) a décidé d’examiner les voies juridiques d’un recours au Conseil d’Etat contre un décret autorisant le croisement des fichiers Hopsyweb et FSPRT (radicalisation et terrorisme).

Décret Hopsyweb : l’Ordre s’en mêle

Nous évoquions la semaine dernière le tout nouveau super méga pas cool du tout du tout décret du ministère des Solidarités et de la Santé, qui autorise le croisement de fichiers policiers (FSPRT) et psychiatriques (Hopsyweb). Une mise en relation qui permettra d’alerter les préfets lorsqu’une personne fichée pour « radicalisation terroriste » sera hospitalisée sans consentement pour des raisons psychiatriques.
 
Le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) n’a pas tardé à réagir puisqu’il a décidé d’examiner les voies juridiques d’un recours au Conseil d’État contre ce décret. Avant de se prononcer sur ce sujet hautement sensible le vendredi 17 mai prochain.
 
L’Ordre tient à réaffirmer « la nécessité de préserver le caractère absolu du secret médical, qu’il considère comme une condition sine qua non de la relation de confiance entre un patient et son médecin », précise le communiqué.
 
Il estime également qu’il est conscient des enjeux liés à la prévention de la radicalisation, mais il rappelle que « la législation permet des exceptions au secret professionnel en cas de danger imminent et préconise une stricte application des textes législatifs en vigueur ».
 

Premier recours en 2018

 
En tant que garant des principes fondamentaux de l’exercice professionnel, et en particulier celui du secret médical, le Cnom avait déjà déposé en juillet 2018 un recours devant le Conseil d’État au sujet du fichier Hopsyweb. Recours dans lequel il interrogeait « l’accès aux données personnelles par des personnes désignées par le ministère de la Santé et la durée de conservation des données ».
 
Quant à l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP), elle estime que le décret relatif au fichier Hopsyweb « porte une atteinte grave à la vie privée des personnes en soins psychiatriques sans consentement et aux professionnels intervenant dans la procédure », d’autant plus que la durée de conservation des données est « excessive ». Selon l’association, « Hopsyweb pourrait entrainer une violation du secret médical et porte atteinte au statut des praticiens hospitaliers ».
 
Dernier rebondissement en date sur cette affaire : 23 signataires représentant le monde de la psychiatrie, professionnels et usagers, ont appelé le 11 mai à l’abrogation pure et simple du décret autorisant l’échange d’informations entre le fichier Hopsyweb et le fichier FSPRT, dans un communiqué.
 

Un fichage inacceptable

 
Les signataires estiment que le croisement de ces deux fichiers « constitue une étape supplémentaire inacceptable et scandaleuse au fichage des personnes les plus vulnérables touchées par la maladie mentale dans notre pays, dans un amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de prévention de la radicalisation. »
 
Au-delà de l’amalgame, ce sont les libertés fondamentales de tout un chacun qui seraient en péril. Puisque les inquiétudes suscitées lors de la création d'Hopsyweb « se voient largement confirmées par un décret dont on ne peut que craindre les très lourdes conséquences en termes d'atteintes aux libertés, foulant ainsi aux pieds des années de lutte contre la stigmatisation des patients présentant des troubles psychiques », poursuit le communiqué.
 
Enfin, les signataires font le parallèle entre le nouveau décret et le fichage des gilets jaunes blessés dans le logiciel Si-VIC. Selon eux, tout cela vient « ajouter aux graves inquiétudes d'une dérive sécuritaire annoncée et dont on ne peut que constater qu'elle est désormais en cours. »
 
Et de conclure : « La mise en concordance d'informations du ressort du domaine médical et de renseignements du domaine de la lutte contre le terrorisme, et ce à l'insu de la personne concernée, représente une atteinte grave du secret professionnel qui ne saurait être tolérée. »

 
Liste des 23 signataires :

Sadek BELOUCIF
Président du Syndicat National des Médecins, Chirurgiens Spécialistes et Biologistes des Hôpitaux Publics (SNAM-HP)
Marc BETREMIEUX
Président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)
Rachel BOCHER
Présidente de l’Intersyndicale des Praticiens Hospitaliers de France (INPH)
Pascal BOISSEL
Président de l’Union Syndical de la Psychiatrie (USP)
Jacques BORGY
Secrétaire Général du Syndicat National des Psychologues (SNP)
Stéphane BOURCET
Président de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)
Michel DAVID
Président de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP)
Michel DAVID
Président de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP)
Claude FINKELSTEIN
Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)
Audrey FONTAINE
Présidente de l’Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie (AFFEP)
Thierry GODEAU
Président de la Conférence nationale des Présidents des Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers
Jacques MARESCAUX
Président Santé Mentale France (SMF)
Pascal MARIOTTI
Président de l'Association des Etablissements du service public de Santé Mentale (ADESM)
Gladys MONDIERE et Benoit SCHNEIDER
Co-Présidents de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)
Marie-Rose MORO
Présidente du Collège National des Universitaires de Psychiatrie (CNUP)
Christian MÜLLER
Président de la Conférence nationale des présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
Renaud PEQUIGNOT
Président d’Avenir Hospitalier
Annick PERRIN-NIQUET
Présidente du Comité d’Études des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)
François-René PRUVOT
Président de la Conférence nationale des présidents de Commissions Médicales d’Établissement des Centres Hospitaliers Universitaires
Marie-Jeanne RICHARD
Présidente de l’Union Nationale de Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques (UNAFAM)
Norbert SKURNIK
Président de la Coordination Médicale Hospitalière (CMH)
Jacques TREVIDIC
Président de la Confédération des Praticiens Hospitaliers (CPH)
Michel TRIANTAFYLLOU
Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)
 
 

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