
Interné à l'hôpital psychiatrique Gérard Marchant après un meurtre commis en 2013, un ancien militaire, surnommé "le cannibale des Pyrénées", s'est échappé le 19 janvier. Quelques heures plus tard, il agressait violemment avec un bâton une septuagénaire, secourue à temps par un voisin.
Il était imité par trois autres patients, jusqu'à l'interpellation du dernier d'entre eux, à Paris samedi soir après plus de 24 heures en liberté.
Ces quatre hommes avaient échappé à un procès et à la prison, car des experts ont estimé qu'ils n'étaient pas responsables de leurs actes : meurtre, tentative de meurtre ou viol. Leur sort ne dépendait dès lors plus de la justice, mais de la psychiatrie.
"Quand il s'agit d'un irresponsable pénal, il quitte le périmètre de la justice pour entrer dans le périmètre de la médecine et de la psychiatrie", soulignait jeudi à France Bleu le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti, qui s'est dit "inquiet" face à ces fugues en série.
« Un hôpital psychiatrique n’est pas une prison »
L'individu perd alors son statut de "suspect" ou "détenu", pour endosser celui de "patient".
"Un hôpital psychiatrique n'est pas une prison, les restrictions de libertés des patients sont basées sur des considérations cliniques", indique Jean-Marc Panfili, avocat depuis 2017, après avoir exercé pendant 25 ans en tant que soignant dans le service psychiatrique de l'hôpital de Montauban.
"Le recours à l'isolement n'est pas automatique, les actes graves commis ne sont pas le critère, c'est l'état mental, déterminé par le psychiatre, qui l'est", poursuit-il.
Pour Livia Velpry, sociologue à l'université Paris VIII Sorbonne, ces fugues à répétition sont un reflet de l'état des services de psychiatrie plus que sur celui des patients.
"On observe en psychiatrie ces dernières années une augmentation du recours à des mesures contraignantes, avec des hospitalisations sans consentement. Ce ne sont pas les patients qui ont besoin de ça, c'est le contexte qui fait qu'on ne peut pas faire autrement, et c'est ce qui fait qu'il y a plus de fugue", analyse cette spécialiste de la santé mentale.
Jean-Marc Panfili la rejoint, en pointant du doigt "des moyens considérablement réduits" et des "équipes insuffisamment nombreuses et insuffisamment formées".
« S’il y a assez de personnel, on peut éviter les situations extrêmes »
"S'il y a assez de personnel, il y a de fortes chances, par la force du nombre ou par un travail relationnel avec le patient, de pouvoir éviter des situations extrêmes", affirme celui qui a troqué la blouse blanche pour la robe d'avocat.
Les fugues survenues récemment à Toulouse ont d'autant plus interpellé l'opinion publique qu'elles concernaient des personnes ayant commis des actes d'une grande gravité par le passé. Mais seul le premier à s'être échappé est finalement passé à l'acte à l'issue de sa fugue.
Les trois premiers ont été interpellés quelques heures après avoir trompé la vigilance des soignants, et internés à nouveau.
Le Garde des sceaux a pointé "un certain nombre de défaillances" et assuré que le ministre de la Santé avait "pris la mesure de ces questions".
Après la deuxième fugue enregistrée à Toulouse, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Occitanie a diligenté une mission d'inspection, et a demandé la mise en place de "mesures supplémentaires de sécurisation" après la quatrième, pour stopper la série noire.
"Renforcement de la surveillance des patients", "fermeture des unités (CHS Marchant)" et "sécurisation des entrées et des sorties" : l'ARS a souhaité serrer la vis en renforçant les restrictions.
Toutefois, "pour les soignants, l'enjeu est de soigner, pas d'être de bons geôliers", souligne la sociologue.
Avec AFP
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