Psychiatrie : les droits fondamentaux des personnes privées de liberté toujours bafoués

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Le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté) vient de publier son rapport d’activité pour 2019. Coup de projecteur (en 4 points) sur les atteintes aux droits fondamentaux dans les hôpitaux psychiatriques.

Psychiatrie : les droits fondamentaux des personnes privées de liberté toujours bafoués

Chargé de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le CGLPL (Contrôleur général des lieux de privation de liberté) vient de publier son rapport d’activité pour 2019 (1). À l’intérieur, 257 recommandations qui constituent le socle minimal des mesures à prendre pour respecter la dignité et les droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Elles s’appliquent à l’ensemble des lieux de privation de liberté : établissements pénitentiaires, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention administrative, geôles et dépôts de tribunaux, locaux de garde-à-vue ou de rétention…

WUD s’est particulièrement intéressé à la situation des établissements de santé mentale. En 2019, le CGLPL a visité trente-quatre d’entre eux habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement. Il en a tiré les conclusions suivantes que nous vous présentons en quatre points.

1 : une sur-occupation inquiétante

Leur sur-occupation est « constante et importante », selon le CGLPL. Si bien que lorsque les unités fermées n’ont plus de lit disponible, le patient est « affecté dans une unité ouverte qui est alors fermée pour lui et donc pour tous les autres patients qui y séjournent ». Par ailleurs, certains patients ne peuvent conserver leur chambre quand ils sont à l’isolement ou sortis en permission, tandis que d’autres sont hébergés sur des lits d’appoint.

Pendant ce temps-là, soignants et médecins sont « accaparés par la recherche de lits, mettant de côté l’organisation des activités ». Cerise sur le gâteau, la sur-occupation s’accompagne souvent d’un manque de moyens en personnel, d’après le CGLPL qui conclut : « Face à ces difficultés, des pratiques portant atteinte aux droits fondamentaux et à la dignité peuvent être instaurées, avec une tendance à les protocoliser pour leur donner un vernis de normalité. »

2 : Des effectifs de soignants insuffisants

Tiens, tiens comme c’est étonnant, la pénurie de médecins psychiatres affecte une part importante des établissements visités par le CGLPL, ce qui a les conséquences suivantes : succession de médecins aux compétences variables, patients qui ne voient pas toujours le médecin au moins une fois par semaine, etc. De plus, la présence des soignants auprès des patients peut aussi être insuffisante, « avec des effectifs en permanence au seuil de sécurité, ce qui sous-entend un fonctionnement en mode dégradé permanent et même pour une part sensible des jours et nuits, en dessous du seuil de sécurité », précise le CGLPL.

3 : Les regards sur l’isolement et la contention évoluent

Les équipes soignantes ont en général « pris conscience du caractère traumatisant des pratiques d’isolement et de contention pour les patients et renoncé, pour la plupart, à voir en elles un outil thérapeutique », a constaté sur le terrain le CGLPL qui ajoute que la nécessité de réduire leur utilisation est de mieux en mieux comprise.

Par ailleurs, les décisions de recours à l’isolement, qui sont censées êtres des mesures de sécurité de dernier recours pour protéger le patient d’un risque actuel ou imminent, obéissent parfois à d’autres logiques, selon l’institution qui a déjà vu des patients « isolés faute de personnel pour les prendre en charge », tandis que certains restent « isolés faute de chambre pour les accueillir », quand l’isolement n’a pas « un caractère quasi-disciplinaire ».

Enfin, les conditions d’exécution des mesures d’isolement sont encore « souvent indignes ». Par exemple, des chambres d’isolement sont dépourvues de sanitaires, d’autres n’ont pas de fenêtres, ne peuvent pas être aérées ou ne sont surveillées que par une caméra.

4 : Des restrictions de libertés pas toujours justifiées

Les situations sont diverses : prise en charge « particulièrement ouverte », « approche sécuritaire qui fait peu de place à la liberté des patients », situations dans lesquelles « la liberté d’aller et venir est affichée avec force mais restreinte en pratique »

Si plusieurs hôpitaux ont progressé en matière de liberté d’aller et venir, certains aspects restent parfois inachevés. Tous les établissements n’ont pas surmonté l’obstacle psychologique que constitue le statut d’admission des patients, « certains considérant que tout patient en soins sans consentement doit être enfermé, d’autres affirmant à juste titre que tout patient en soins libres doit être placé en unité ouverte mais fermant les unités s’il vient à manquer de place pour des patients en soins sans consentement », constate le CGLPL.

Enfin, il n’est pas rare que « la fermeture des unités aille de pair avec une inversion du principe de la liberté : tout est autorisé sauf exception décidée par le médecin en secteur ouvert, tout est interdit sauf autorisation du médecin en secteur fermé : téléphoner, sortir à l’air libre, fumer, etc. » Il arrive aussi les portes ne sont ouvertes que pendant des créneaux horaires très restreints.

Conclusion du CGLPL : « Dans de nombreux cas, la préoccupation sécuritaire prévaut sur celle du soin et de l’autonomie des patients. Les possibilités de sortir de l’unité sont restreintes même pour les patients en soins libres. »

1 : le rapport est intitulé « Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».
 

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