Mouches amères

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Critique de "Black Flies", de Jean-Stéphane Sauvaire (sortie le 3 avril 2024). Ollie voudrait intégrer médecine. En attendant de repasser l'examen, et pour financer ses études, il intègre une compagnie d'ambulances new-yorkaise. Cette antichambre des urgences s'avère également être la cuisine de l'enfer et va éprouver le jeune étudiant d'une façon inimaginable...

Mouches amères

Jean-Stéphane Sauvaire signe une - très - longue élégie urbaine, syncopée et survoltée. Mais son film d'ambulance est hélas avant tout pompier. 

Avec Black Flies, Jean-Stéphane Sauvaire semble avoir voulu filmer la déréliction urbaine comme miroir de celle de l'âme, dans la veine des grands films sulpiciens de la charnière entre la fin des années 80 et le début des années 90. Martin Scorsese, Michael Cimino et Abel Ferrara hantent ce film qui a pour ambition de conjuguer deux atmosphères, deux expériences : celle, adrénergique, effrénée et éclatée, de la vie d'ambulancier (les fameux paramedics), constamment sur la brèche de l'urgence vitale et du stress aigu ; et une autre, qui se voudrait probablement souterraine mais qui finit par surplomber tout le reste, ayant trait à la mystique, les pauvres Tye Sheridan et Sean Penn, séraphin et ange déchu, se retrouvant engloutis par un déferlement de références chrétiennes constituant un martyrologue à la nuance toute évangéliste. En même temps, choisir de nommer son jeune héros Ollie Cross en dit long sur la subtilité du scénario.

Cette histoire de confrontation à la noirceur du monde et, surtout, à l'impuissance, chez ces soignants en quête d'action et de salut, tente de s'installer malgré le film lui-même, elle y arrive presque, hélas pendant de trop brefs instants, par exemple quand Sean Penn évoque le traumatisme - fondateur? - du 11 septembre. Mais ériger ces sauveurs terrestres, fauchés par le PTSD vicariant, en martyrs, par delà le Bien et le Mal, dans une esthétisation constante et souvent complaisante non seulement de la violence mais, plus grave, de la souffrance, où l'épate cache mal le brouillon qui règne sur ce long clip, tient plus souvent de la faute de goût indécente que de la puissance mythologique. 

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