Conflits d’intérêts : médecins, encore un effort

Article Article

La Cour des Comptes critique l’application de la loi Bertrand

Conflits d’intérêts : médecins, encore un effort

Dans un rapport publié mercredi, la Cour des Comptes remarque que les liens des professionnels de santé avec l’industrie pharmaceutique manquent encore de transparence. Un constat qui n’étonne pas la célèbre pneumologue Irène Frachon.

 

Peut mieux faire. C’est en substance le message adressé par la Cour des Comptes aux professionnels de santé dans un rapport publié mercredi. Celui-ci épingle notamment des « failles majeures » et des « insuffisances » dans la manière dont sont gérées et contrôlées les déclarations de liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique.

En cause, l’application de la loi Bertrand, votée à la suite de l’affaire du Mediator. Celle-ci prévoit notamment de généraliser les déclarations d’intérêt et de publier les avantages consentis par les industriels aux professionnels de santé (le fameux « Sunshine Act à la française »).

Plus d’une déclaration sur cinq présente au moins une anomalie

La Cour des Comptes a épluché les déclarations d’intérêt établies par les experts de cinq organismes : l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), l’Institut national du cancer (INCa), l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), le Comité économique des produits de santé (CEPS), et la Haute autorité de santé (HAS).

Les résultats ne sont pas brillants : 22 % des déclarations d’intérêt devant être établies présentent au moins une anomalie, et 8 % sont carrément manquantes, constatent les sages de la rue Cambon. Ces chiffres ne surprennent pas la pneumologue Irène Frachon, à l’origine du déclenchement de l’affaire du Médiator.

Choc culturel

« Je suis pas du tout étonnée », explique-t-elle à What’s up Doc. « La mise en place de la transparence et la publication des liens avec l’industrie bouleverse fondamentalement 50 ans d’une culture médicale qui allait totalement à l’opposé ».

Pour Irène Frachon, si les déclarations d’intérêt sont mal ou peu remplies, c’est tout simplement parce que les médecins peinent à comprendre leur importance. « La plupart des médecins sont convaincus que leurs liens avec l’industrie n’influencent pas leur pensée. Pour eux, cela relève de la vie privée ».

Une solution : la simplification

Pour traiter le problème, l’ordonnance de la Cour des Comptes tient en dix recommandations. La plus forte est certainement la mise en place, « sans plus tarder », du site unique de recueil des déclarations d’intérêt prévu par la loi Bertrand. La responsabilité du contrôle de leur véracité incomberait à la HAS.

Irène Frachon salue cette volonté de simplifier ce système. « A la décharge des médecins, ces déclarations publiques d’intérêt sont impossibles à remplir », concède-t-elle. « Moi qui suis très fouillis, je n‘ai jamais réussi à faire des déclarations propres. Une journaliste m’a même un jour reproché le fait que mes déclarations varient. Je n’ai rien à cacher, je suis juste désordonnée ».

La pneumologue est donc à l’unisson de la Cour des Comptes : l’arsenal législatif en faveur de la transparence est en grande partie en place, il n’y a plus qu’à l’appliquer. Au boulot !

Source:

Adrien Renaud

Les gros dossiers

+ De gros dossiers