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L'unique offre de reprise avait été déposée fin juillet par la société Hougou, family office de Pierre Bastid, président du conseil d’administration de la société et actionnaire à hauteur d'environ 17% de Carmat, en cours de redressement judiciaire.
Elle devait être examinée au cours d'une audience prévue mardi devant le tribunal des affaires économiques de Versailles.
« A ce jour, le repreneur n’a toutefois pas été en mesure de confirmer son offre, faute d’avoir sécurisé les financements nécessaires à la reprise », rendant « extrêmement probable » une liquidation judiciaire « à très brève échéance », souligne un communiqué de Carmat.
L'audience de mardi est maintenue afin de fixer une nouvelle date pour le prononcé de la liquidation sous 15 jours, selon l'administrateur judiciaire.
Avec la liquidation, les activités cesseront et les actions Carmat, créée en 2008 et entrée en Bourse en 2010, seront radiées de la cote.
Financement insuffisant, grande déception
Lors d’une première audience le 19 août, le tribunal avait accordé à Pierre Bastid un délai supplémentaire pour finaliser son offre.
« C'est une très grande déception. Je n'ai pas trouvé le financement pour poursuivre l'aventure » marquée par 30 ans de recherche et 550 millions d'investissements, a déclaré à l'AFP Pierre Bastid, estimant « extrêmement désolant qu'en France, on ne soit pas capable de financer des projets de cette nature ».
Depuis sa première implantation sur un patient en 2014, la technologie de la prothèse destinée aux patients qui souffrent d’insuffisance cardiaque terminale dans l'attente d'un cœur humain disponible pour une transplantation a beaucoup progressé.
Mais Carmat n'a pas eu le temps d'aller au bout de son rêve : mettre au point un « cœur définitif », qui remplacerait le cœur malade.
« On paye ce temps de développement qui a été très long » mais aussi « des problèmes de qualité » qui ont découragé les investisseurs, reconnait l'homme d'affaires qui a investi « émotionnellement » et personnellement « 50 ou 60 millions » d'euros dans le projet.
« On a été continuellement en relation avec des fonds anglo-saxons et du Moyen-Orient. On a ratissé large », pour obtenir du financement.
Désaccords stratégiques
« Compte tenu du niveau du passif de la société, il est hautement probable que ses actionnaires subiront la perte intégrale de leur investissement, tandis qu’une grande partie des créanciers de Carmat subiront une perte très significative pouvant porter sur l’intégralité de leurs créances », prévient la société.
Pierre Bastid était entré au capital de Carmat en 2016, à l'occasion d'une augmentation de capital à laquelle avaient également pris part deux actionnaires historiques de la société, Airbus et le fonds Truffle Capital, qui ont depuis quitté le navire.
« C'est un grand succès médical et technologique » avec 122 malades implantés à ce jour avec le cœur artificiel temporaire de Carmat, inventé par le Pr Alain Carpentier, reconnait le Dr Philippe Pouletty, directeur général de Truffle Capital et fondateur d'Abivax, une star de la biotech française.
Mais il précise avoir quitté Carmat il y a 5 ans en raison d'un « désaccord très profond avec la stratégie et la gouvernance de l'entreprise », critiquant « des prévisions fantaisistes de chiffre d'affaires, jamais tenues » et « des petites augmentations de capital dilutives très insuffisantes ».
En dernier recours, le directeur général de Carmat, Stéphane Piat, avait tenté en juin de mobiliser les investisseurs et même l'Élysée, pointant la difficulté d'accès aux capitaux pour financer l'innovation en France.
« Faire appel à la charité publique, ce n'est pas comme ça qu'on lève de l'argent », a critiqué Philippe Pouletty, se disant « triste » de voir disparaître Carmat alors qu' « il y a un très gros besoin médical, puisque la transplantation cardiaque ne remplit selon les pays que 3 à 7% des besoins, parce qu'il n'y a pas assez de donneurs ».
Avant même l'annonce d'un plan de reprise par Pierre Bastid, Bpifrance s'était, elle aussi, désengagée en mai de Carmat, en ne récupérant que 500 000 euros sur un investissement de 18 millions d'euros aux côtés de l'État, l'action ayant dégringolé de 37 euros en 2016 à l'époque de l’investissement à 80 centimes lors de la cession.
Avec AFP