Ça donne quoi sur le terrain ? Bilan de cette première expédition en R2C

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Depuis le 1er novembre 2024, les internes, issus de la première promotion de la R2C (Réforme du 2e cycle des études médicales) ont été affectés dans leur spécialité et dans leur CHU. Des modalités d’épreuves différentes, un concours avancé, plus de stages pratiques : les étudiants étaient-ils prêts le jour de l’échéance ? Se sentaient-ils mieux préparés au métier d’interne ? Et les chefs de service ? Voient-ils une différence dans cette nouvelle promotion d’internes sélectionnée autrement ? Quels sont les retours, avec ces nouvelles règles du jeu ? Voit-on les prémices d’une réforme réussie ?

Ça donne quoi sur le terrain ? Bilan de cette première expédition en R2C

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Du côté des médecins : trop tôt pour juger 

Le Pr Damien Roux, président du Conseil scientifique en médecine et responsable des épreuves soumises aux étudiants (EDN, ECOS), a largement piloté cette réforme du 2e cycle (R2C). Un objectif ambitieux à la base : rien de moins que de changer le paradigme de l’évaluation des connaissances. « J’ai fini bien classé au concours de l’internat, mais je n’étais pas prêt à être interne. Je connaissais tous les anticorps de la maladie de von Hippel Lindau, mais j’étais incapable de prescrire une perfusion de base, car je n’avais jamais été interrogé dessus. » Son souhait : réorganiser la formation avec plus de raisonnement clinique, « pour que le cerveau fonctionne mieux, en n’étant pas mieux rempli mais mieux organisé ».

Ainsi, avec la R2C, il a décidé de redéfinir des modalités d’évaluation afin de modifier la stratégie d’apprentissage des étudiants. « Mon objectif, c’est que le stage reprenne de la place. Aller voir une famille en garde de réanimation redeviendra intéressant pour les étudiants s’ils savent qu’ils pourront être évalués sur cette activité-là. L’enjeu : réussir à convaincre les étudiants que l’évaluation est celle du métier de médecin, et non plus un examen pur des connaissances »

D’où le côté désormais multimodal de l’évaluation, avec l’arrivée de la note de parcours et l’avènement des ECOS

Pour évaluer les résultats de ces grands changements, il a alors porté la mise en place d’une étude nationale prospective afin d’étudier les performances des élèves avant et après cette réforme. Nommée « PRINCEPS » pour « imPact de la Réforme du deuxième cycle des études de médecINe sur les Compétences des Etudiants de Phase Socle », cette évaluation se déroule sur 5 ans. 

Seront jugées les compétences relationnelles interprofessionnelles (la communication avec le personnel soignant, lors de la réalisation d’un geste par exemple), mais également la communication avec les familles, le vécu et la gestion du stress (en partant du principe que des internes mieux préparés au rôle de médecin seront moins stressés).

Du côté des internes : du positif et du négatif

La modification du programme avec le tri des connaissances en rangs A, B et C avait pour objectif, en plus de mieux définir le tronc commun et les questions de spécialités, de diminuer d’un tiers le programme. En effet, le concours étant avancé de huit mois par rapport aux années précédentes, les connaissances de rang C ne sont actuellement plus opposables au concours. Quelle réalité dans les faits ?

Gabriel, néo-interne en anesth-réa à Nantes, n’a pas le sentiment d’un allègement : « Le rang C, ce sont les complications rares, l’épidémiologie un peu poussée, il n’y avait déjà officieusement aucun intérêt à l’apprendre à l’époque ». Des informations corroborées par Claire, néo-interne de médecine générale à Nantes : « Je pouvais passer les annales 2021-2022, avant la R2C, sans les connaissances de rang C, qui étaient déjà hors programme. Cette diminution de notions à acquérir, c’était une illusion. »

Et si Gabriel, bien que « paniqué par le fait de se retrouver l’année de la réforme », se sentait prêt car régulier tout au long de son externat, Claire a souffert de l’absence de pause depuis un an et demi, à l’approche du concours, avec « déjà la fatigue de la D3 dans les pattes » et des révisions pendant l’été forcément moins optimales. 

Les ECOS, cette épreuve de savoir-être basée sur la vie réelle au travers d’activités professionnelles simulées, avait pour objectif une transition harmonieuse et efficace entre la fin du 2e cycle et le début du 3e. A-t-elle été à la hauteur des espérances ?

Pour Claire, cette nouveauté est « utile sans être révolutionnaire : c’est un oral mais on n’a pas le droit de toucher les patients standardisés et on est évalué sur des mots-clés, donc ça ne met pas du tout en conditions de vie réelles. Selon moi, les ECOS ne sont pas faits pour évaluer les compétences pratiques de l’étudiant, mais représentent une autre façon d’évaluer les connaissances ». 

Pour Gabriel, les ECOS ont surtout permis une revalorisation du stage : « La bonne chose de ce nouveau système, c’est qu’on a pris plus le temps de rester en stage pour voir des situations cliniques sur lesquelles pouvaient porter les ECOS, alors qu’avant on cherchait à en partir le plus vite possible pour aller à la BU en pleines révisions de l’internat. » L’autre point positif de cette réforme tient dans la possibilité d’aller faire, entre les EDN et les ECOS, un stage libre ciblé : « On a la possibilité d’aller en stage de pharmacologie ou chez SOS médecins : cela permet de conforter son choix de spécialité ». 

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En conclusion, du « positif et du négatif, plus de place pour la pratique mais une réforme pas prête, avec des limites du programme floues », nous dit Gabriel. Et d’ajouter la question d’un débat sur des ECOS, qui devraient être validants plutôt que classants, car : « À l’échelle nationale, lorsque tu fais un oral sur 9 000 personnes tu ne peux pas être objectif à 100 %, il y a forcément des accrocs qui ne rendent pas uniforme l’épreuve ».

Quant à Claire, selon elle il faudrait avant tout « arrêter de faire des réformes tous les deux ans ! J’ai entendu qu’ils veulent déjà réformer de nouveau la première année… »

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