Afghanistan : « c’est une période très compliquée, avec des conflits, de l’incertitude »

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Julie Faucon est responsable des soins infirmiers chez MSF. Elle revient tout juste de mission à Hérat, en Afghanistan, dans une clinique nutritionnelle et pédiatrique, où les patients affluent. Entretien.

Afghanistan : « c’est une période très compliquée, avec des conflits, de l’incertitude »

WUD :  Combien de temps a duré votre mission à Hérat ?

Julie Faucon : Je suis arrivée la première semaine d’août et je viens de rentrer.

WUD : Quelle est la situation depuis l’arrivée des Talibans ?

JF: C’est très compliqué à Hérat depuis le mois de mai. En Afghanistan, il y a eu une grosse sécheresse ces derniers mois, des problèmes de récoltes et d’accès à l’alimentation. Les prix ont augmenté, la population n’arrive plus à s’acheter à manger. Au mois de septembre, on s’attendait à une diminution du nombre de cas due à la fin été, mais il y a eu au contraire une augmentation significative des admissions. On est à 100% de notre capacité d’accueil, avec beaucoup de patients de moins de 2 ans. Cela s’explique par le fait que les mères ne peuvent pas allaiter car elles ont peu d’accès à leur propre alimentation. Il y a aussi une vraie difficulté au niveau du système de santé, en termes de ressources humaines, de possibilité de fournir des salaires et des médicaments et les équipements nécessaires pour un accès au soin. Avec le changement de contexte, beaucoup d’acteurs n’ont plus la possibilité de s’investir.

© Sandra Calligaro

WUD : Y-a-t-il un impact direct sur les centres de santé depuis l’arrivée des Talibans au pouvoir ?

JF: On nous laisse travailler, il y a des discussions entre avec les autorités, et un vrai besoin en santé, donc il est possible de travailler, de venir à l’hôpital. Il y a eu un recrutement très important pour renforcer l’activité nutritionnelle et pédiatrique, qui couvre tous les corps de métiers : médecins, infirmiers, assistants nutritionnels. Il y a une très grosse charge de travail, donc il faut renforcer au niveau des ressources humaines.

Une des choses significatives est l’augmentation du nombre de patients mais aussi un changement de leurs origines. D’habitude, ils viennent en majorité d’Hérat, là 25% viennent de la ville d’Hérat, 50% du district et on constate une augmentation des patients venant de zones plus éloignées.

WUD :  Qu’advient-il pour les femmes qui exercent des professions médicales ou paramédicales ?

JF: Notre équipe est composée à 90% de femmes sur le centre nutritionnel et quasiment que de la population locale. Nos équipes ont continué à pouvoir venir travailler.

WUD :  Quel est l’état d’esprit sur place ?

JF: Le mois d’août a montré de grands changements, c’est une période très compliquée, avec des conflits, de l’incertitude, beaucoup de questionnements. Nos équipes ont la possibilité de travailler, apporter des soins aux patients. Mais la situation n’est pas simple. Chacun fait en fonction de son histoire, son accroche familiale.

WUD : Qu'est-ce qui vous a le plus marquée sur place ?

JF: C’est une situation globale qui est assez marquante. Il y a un taux de mortalité très élevé, de la malnutrition, des complications médicales, des patients qui arrivent très tard, avec des pathologies associées, et notre capacité d’accueil est insuffisante. Ne plus savoir où hospitaliser les patients qu’on devait admettre, c’est dur. Les besoins sont là et très importants. La situation est grave et risque de le rester.

© Sandra Calligaro

WUD : C’était important pour vous d’être là-bas en ce moment ?

JF : Oui, ça fait du sens. La question ne s’est pas vraiment posée de ne pas rester, il y a un vrai besoin. Les journées étaient très remplies avec beaucoup de travail. C’est nécessaire et utile.

WUD : C’était une mission particulière ?

JF : Oui, pour plein de raisons : la complexité du contexte, la médiatisation. Tout peut prendre une ampleur et l’analyse faite n’est pas toujours ce qu’on peut percevoir autour de nous. La charge de travail sur l’activité est également très importante.

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