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« Dans les 30 cas où je suis mis en cause, (...) j'ai été appelé » pour porter secours en urgence, a souligné à la barre l'accusé de 53 ans, qui comparaît libre mais risque la réclusion à perpétuité pour 30 empoisonnements dont 12 mortels. Si « je suis appelé, c'est qu'il y a une bonne raison », a poursuivi l'ancien praticien.
Après deux semaines de débats, dont une bonne partie a été consacrée à des échanges très techniques sur deux des empoisonnements qui lui sont reprochés, c'est la première fois que l'ancien médecin s'exprime sur les faits.
La première partie de son interrogatoire a porté sur l'empoisonnement présumé de Sandra Simard, une patiente alors âgée de 36 ans et en bonne santé, victime d'un arrêt cardiaque le 11 janvier 2017 alors qu'elle devait subir une simple opération du dos.
« Il y a eu une poche de perfusion empoisonnée »
« Manifestement, il y a eu une poche (de perfusion) empoisonnée », a reconnu pour la première fois Frédéric Péchier, qui avait jusqu'à présent contesté que cette patiente ait été empoisonnée. Pour autant, « je n'ai pas empoisonné la poche de Mme Simard. C'est net. C'est tout ce que j'ai à vous répondre », a insisté l'ancien médecin, qui a toujours clamé son innocence.
D'une voix claire et posée, il a justifié ses choix thérapeutiques pour venir en aide à Mme Simard. La semaine dernière, le parquet et les représentants des parties civiles s'étaient étonnés qu'il lui ait administré en urgence du gluconate de calcium, un produit utilisé pour aider le cœur en cas d'excès de potassium.
Or l'enquête montrera par la suite que Mme Simard avait été empoisonnée avec une forte dose de potassium dans sa perfusion, ce que l'anesthésiste n'était pas censé savoir à ce moment-là.
Pour plusieurs experts interrogés par la cour, faute de détenir cette information, ce choix était incompréhensible. Un point vigoureusement contesté par l'accusé : selon lui, « le gluconate de calcium n'est pas l'antidote » de l'excès de potassium. De manière globale, prescrire et utiliser ce produit faisait « partie de mes habitudes » et « pouvait aider », a-t-il insisté.
« Être en colère, ne veut pas dire empoisoner quelqu'un »
En outre, a-t-il soutenu, la forte dose de potassium administrée à Mme Simard, c'était « pour tuer, pas pour réanimer ». De ce fait, selon lui, « la théorie du pompier pyromane » dont on l'a accusé - celle d'un médecin qui empoisonnerait des patients pour ensuite leur venir en aide et se présenter en sauveur – « ne tient pas ».
Quant à la thèse de l'accusation selon laquelle il aurait agi pour nuire à des collègues avec qui il était en conflit, l'accusé a reconnu un « contexte très crispé », mais « être en colère, ça ne veut pas dire empoisonner quelqu'un (...) Ça n'a rien à voir », a-t-il martelé, lors d'un échange tendu avec la présidente de la cour d'assises.
Ce premier interrogatoire de l'accusé doit se poursuivre mercredi après-midi, cette fois sur le cas de Jean-Claude Gandon, le seul, parmi les 30 victimes présumées, qui avait été anesthésié par Frédéric Péchier lui-même. Selon les enquêteurs, l'accusé aurait empoisonné ce patient de 70 ans, le 20 janvier 2017, avec un produit d'anesthésie locale (mépivacaïne), pour se forger un « alibi », alors qu'une enquête venait justement d'être ouverte sur le cas de Mme Simard.
Le procès est prévu jusqu'au 19 décembre
La semaine dernière, les débats sur ce « cluedo médical » ont mis en évidence que, le jour des faits, entre 8 h 15 et 9 h, les deux personnes les plus susceptibles d'avoir injecté le poison étaient le Dr Péchier et une élève infirmière anesthésiste. Or l'accusé a demandé à ce moment-là à cette soignante de quitter le bloc opératoire pour prendre une pause. Quand elle est revenue, le patient de 70 ans présentait de premiers signes de détresse cardiaque.
« Je pense qu'il serait temps de nous dire les choses », observait avant l'audience de lundi Stéphane Giuranna, avocat de proches de M. Gandon.
Le procès est prévu jusqu'au 19 décembre.
Avec AFP
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