Actes de santé : allons-nous enfin apprendre à partager ?

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Dans notre système de santé, telle expertise ou tel acte est rigidement attribué à tel ou tel professionnel. Mais si nous voulons faire face aux défis qui nous attendent, il va falloir introduire un peu plus de souplesse : demain ne doit pas être comme hier.

Actes de santé : allons-nous enfin apprendre à partager ?

Lorsque j’étais FFI dans un petit hôpital en 1979, ma première garde m’a amené à apprendre à faire un plâtre. L’infirmier de garde savait tout, moi (presque) rien. Mais j’étais médecin, lui n’avait pas le droit de le faire. Aujourd’hui, rien n’a changé : les infirmiers prennent la pression artérielle à l’hôpital, mais il ne faudrait pas qu’ils fassent du suivi de traitement hypertensif en ville !

Autre exemple : les kinés ont été les premiers à enseigner l’ostéopathie à des médecins dans les années 80… mais les médecins ainsi formés ont créé une alliance pour leur en faire interdire l’exercice.

Touche pas à mon vaccin !

Et c’est bien démontré, les pharmaciens sont incapables d’administrer un vaccin antigrippal qu’ils peuvent vendre sans ordonnance. Les médecins généralistes ont quant à eux été exclus de la vaccination lors de la pandémie de grippe H1N1 en 2009 : ils n’auraient pas su faire !

Cerise sur le gâteau : ces sont les aidants familiaux qui remplissent les piluliers, car les professionnels à domicile n’en ont pas le droit : trop risqué en cas d’erreur.

Les soins hors du radar

Les exemples foisonnent : blocages psychologiques, corporatistes, réglementaires, angoisse des responsabilités… Du coup le système est grippé, les interactions entre professionnels sont souvent déficientes, les citoyens insatisfaits… alors que la compétence est au rendez-vous.

En réaction, la société se tourne vers d’autres acteurs qui se trouvent en dehors des radars du système de soins officiel : acteurs du social, ONG, naturopathes et producteurs de « bonne santé » divers. Ceux-ci fonctionnent souvent de gré à gré avec des citoyens qui choisissent et assument leurs risques.

Reprendre la main

Comment sortir de l’ornière ? Il ne faut probablement pas compter sur « l’inventivité » de la gouvernance du système de santé et de ses experts. Mais les professionnels peuvent reprendre la main, entre eux, en confiance et en prenant des risques le cas échéant.

Et il faut aussi aller voir sans a priori ce qui se passe dans d’autres pays, même plus pauvres que nous : car l’absence de moyens stimule souvent la créativité ! Devrons-nous attendre le blocage complet pour innover ?

Source:

* Yves Charpak est médecin de santé publique, chercheur, spécialiste de l’évaluation… il a travaillé (entre autres) pour l’OMS, l’Inserm, l’Institut Pasteur, l’Établissement francais du sang… Il n’hésite pas `a prendre position dans l’espace public, o`u il décline une vision originale du futur de la santé.

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