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What’s up Doc : Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de ces premiers états généraux de la médecine péri-opératoire ?
Pr Gilles Orliaguet : Il y a une dizaine d'années, nous avons organisé des états généraux de l'anesthésie réanimation. À cette époque, le principe de la médecine péri-opératoire avait été évoqué permettant de faire évoluer le nom de notre spécialité y ajoutant le terme de médecine péri-opératoire . On sait que ces états généraux peuvent avoir un impact. On espère que ce sera le point de départ d’une réflexion plus globale sur la médecine péri-opératoire et son rôle central dans notre exercice.
En quoi consiste la médecine péri-opératoire ?
G.O. : La médecine péri-opératoire, c'est identifier les patients les plus à risque de complications voire de décès pour leur proposer un « programme personnalisé » pour se préparer à l’intervention. Certains appellent cela une préhabilitation.
Le but est d’optimiser l'état de santé en préopératoire. Par exemple, cela passe par la renutrition, si on a des patients dénutris notamment en oncologie. On peut aussi adapter certains traitements médicamenteux pour des patients qui ne seraient pas bien équilibrés pour une pathologie cardiaque ou une pathologie pulmonaire. Il s’agit d’améliorer autant que faire se peut l'état de santé pour préparer les patients à la chirurgie.
On a déjà fait d'énormes progrès en réduisant la mortalité lors d’une opération par 10, mais on peut encore faire mieux en anticipant des complications post-opératoire. On ne doit pas lâcher les patients à la sortie du bloc opératoire, ou de la salle de réveil mais poursuivre le soin au-delà qui va permettre de réinsérer le patient dans une vie normale.
Qu’espérez-vous obtenir à l’issue de cette journée ?
G.O. : Le premier objectif c'est de sensibiliser à la fois les professionnels de notre spécialité parce qu’il y a encore des anesthésistes-réanimateurs qui ne sont pas familier avec le concept de médecine péri-opératoire. Il faut aussi les chirurgiens et les interventionnels qui font de l'endoscopie, de la radiologie, du cathétérisme cardiaque. Ces interventions se font sous anesthésie donc on peut appliquer exactement le concept de médecine péri-opératoire.
Le deuxième objectif est de redéfinir les grands principes de la médecine péri-opératoire, sensibiliser, informer, etc. Une des problématiques principales est que cette activité n'est pas reconnue, donc pas valorisée, que ça soit intellectuellement ou financièrement.
Dans de nombreuses structures, qu’elles soient publiques ou privées, lorsqu’on affecte des médecins à la prise en charge du péri-opératoire, leur activité reste souvent invisible : la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) ne comporte pas d’actes marqueurs adaptés, ce qui empêche toute traçabilité et toute valorisation de leur rôle dans les systèmes de codage ou de financement.
On a besoin d'avoir une valorisation, la première étape c'est une reconnaissance. On veut initier une dynamique pour que le maximum de professionnels, et pas seulement des anesthésistes réanimateurs, s'empare de ce sujet pour le mettre en œuvre dans leurs établissements.
Pourquoi d’autres spécialités qu’anesthésiste-réanimateur doivent s’intéresser à ce sujet ?
G.O. : On veut travailler avec différentes spécialités. Cette médecine ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital. Si on veut que ça fonctionne, quand le patient va retourner chez lui, il faut qu’un autre praticien puisse le suivre efficacement.
Il faut intéresser les collègues médecins de ville à cette problématique pour qu'ils soient encore plus performants dans leur accompagnement. C’est essentiel qu'il y ait un lien entre la médecine hospitalière (au sens large) et la médecine de ville.
Quel sera le déroulement de la journée ?
G.O. : Nous avons constitué, il y a environ un an, plusieurs groupes de travail pluriprofessionnels pour engager une réflexion approfondie sur la médecine péri-opératoire. Ces groupes réunissent des chirurgiens de différentes spécialités, des radiologues, mais aussi des spécialistes de tranches d’âge particulières : des pédiatres ont été sollicités pour la pédiatrie et des gériatres pour les personnes âgées. Chaque groupe élabore une contribution écrite, en cours de finalisation qui fera l’objet d’une restitution synthétique lors de la journée du 18 juin.
Le programme étant très dense, il ne sera pas possible d’aborder tous les sujets. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’organiser les temps d’intervention pour chaque groupe de manière équilibrée : la moitié du temps sera consacrée à la présentation, et l’autre moitié à un échange avec les médecins présents.
Le premier groupe avait pour mission de poser les définitions, dresser un état des lieux et formuler les enjeux principaux autour de la médecine péri-opératoire.
Le deuxième groupe, particulièrement important par l’ampleur de son champ, est celui des fondamentaux. Il abordera l’évaluation pré-opératoire, la préparation à l’intervention, l’information et la communication avec les patients et leurs familles. Il traitera également du concept de Patient Blood Management, qui dépasse aujourd’hui la seule transfusion sanguine : il s’agit d’optimiser l’hémoglobine en pré-opératoire, de réduire les pertes sanguines et d’éviter, lorsque c’est possible, les transfusions post-opératoires. D’autres thèmes comme la douleur, les soins critiques ou encore la relation ville-hôpital seront également abordés.
Le troisième groupe portera sur les situations particulières en médecine péri-opératoire, comme les gestes interventionnels (radiologie interventionnelle, endoscopies, chirurgie mini-invasive) ainsi que les âges extrêmes évoqués précédemment.
Le quatrième groupe évoquera les questions de valorisation de l’activité, en lien avec la nomenclature et les ressources humaines.
Enfin, un cinquième groupe abordera les perspectives d’avenir. Ce travail de projection inclura la définition d’indicateurs de qualité en médecine péri-opératoire, la place possible de l’intelligence artificielle, la reconnaissance du rôle des patients et de leurs familles, ainsi qu’une réflexion plus large sur l’évolution de notre spécialité dans les trente années à venir.
Ces premiers états généraux permettront de partager les premières analyses, de débattre et de nourrir les pistes en vue d’un document de synthèse final, afin de mieux structurer et valoriser la médecine péri-opératoire.
Détail de la journée et inscription : https://sfar.org/evenement/etats-generaux-de-la-medecine-peri-operatoire/