Une médecin syrien a quitté la Syrie en 2015 «pour aller trouver la paix» en Ukraine. La guerre l’a rattrapé.

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Le docteur Oussama Jari avait fui Damas pour trouver la paix avec son épouse ukrainienne à Mykolaïv, ville portuaire sur les bords de la mer Noire. La guerre et les bombes russes les ont rattrapés.

Une médecin syrien a quitté la Syrie en 2015 «pour aller trouver la paix» en Ukraine. La guerre l’a rattrapé.

Le regard las derrière ses lunettes, le Dr Jari, vêtu d'une blouse incongrue imprimée de motifs nautiques -bateaux, gouvernails, bouées de sauvetage-, examine quelques patients. Ils ont tous passé la nuit dans le sous-sol de l'établissement, où des matelas ont été installés et des bidons d'eau stockés.

L'hôpital ophtalmologique est situé à Ingoulskyi, dans le nord- est de Mykolaïv, non loin de la ligne de front. Dans la nuit de vendredi à samedi, ce quartier populaire, qui abrite aussi un hôpital oncologique et un orphelinat, a été la cible de bombardements incessants. Aucune victime n'a été rapportée, mais de nombreuses fenêtres ont été soufflées, des trous d'obus marquent le sol, et la chaufferie du quartier a été touchée.

"Je ne pouvais pas y croire. Nous vivions calmement ici. Que font les Russes ? De quoi essayent-ils de nous sauver ? D'eux-mêmes ?". Le Dr Jari connaît la guerre. Son pays natal, la Syrie, est plongé dans l'abîme depuis onze ans, et a vécu à partir de 2015 sous les bombardements de la Russie, venue soutenir son fidèle allié, le président syrien Bachar al-Assad, toujours au pouvoir.

Installé à Damas avec son épouse, qu'il avait rencontrée lors de ses études de médecine en Ukraine, Oussama Jari a fui le conflit et la capitale syrienne en 2014 pour "aller trouver la paix" à Mykolaïv. Mais la guerre, toujours elle, les a poursuivis.

"La Syrie et l'Ukraine sont dans la même situation désormais", constate tristement le médecin. "La guerre, c'est la guerre, que ce soit là-bas, ici ou ailleurs, et c'est la pire chose qu'on puisse imaginer".

Il se refuse toutefois à toute considération politique. "Les Russes ? Leur gouvernement ? je ne veux pas en parler", élude-t-il.

« Nous ne savions pas si nous retrouverions l’hôpital debout en remontant du sous-sol »

Le Dr Jari monte à l'étage examiner quelques patients. Parmi eux, Natalia Malichka, une jeune femme blonde toute menue, qui veille son fils Timour, 14 ans.

Aux premiers jours de la guerre, l'adolescent coupait du bois de chauffage avec son grand-père et a pris un éclat de bois dans l'œil. Ils n'ont pu se rendre à l'hôpital immédiatement, car les bus ne fonctionnaient plus, et la blessure s'est aggravée. L'adolescent, flottant dans un sweat-shirt bleu ciel à capuche, garde le regard baissé, reste mutique.

Natalia débite son histoire dans un flot de paroles, et elle tremble de tout son corps en parlant. A l'hôpital, elle veille Timour. Mais elle a aussi deux autres fils de 10 et 20 ans à la maison.

"Je suis déchirée. Quand je suis ici avec Timour, je sais que mon bébé est à la maison, et je ne sais pas si je le reverrai. Quand je suis avec mon fils cadet je ne sais pas ce qui se passe pour Timour. Je suis déchirée", répète-t-elle.

La nuit du bombardement sur Ingoulskyi, elle était à la maison avec ses deux garçons, "j'étais rassurée car je savais que Timour était dans le sous-sol de l'hôpital avec les médecins. Mais malgré ça il m'a appelée, il était terrifié".

"Tout tremblait. Nous ne savions pas si nous retrouverions l'hôpital debout en remontant du sous-sol", acquiesce Krasimira Rilkova, la directrice de l'hôpital ophtalmologique, l'air aussi exténué que son collègue Oussama Jari.

Mykolaïv, ville de 500.000 habitants, constitue le dernier verrou sur la mer Noire avant Odessa, premier port ukrainien et cible stratégique et symbolique pour Moscou.

De violents combats entre l'armée ukrainienne et les forces russes s'y déroulent depuis plusieurs jours, ces dernières ayant été repoussées à plusieurs reprises.

Avec AFP

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