Un cabinet… ca n’a pas de prix !

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« Connaissez-vous le prix d’une licence de gondolier À Venise ? » : voici un argument imagé employé par un médecin cédant pour attirer l’attention du jeune médecin sur la valeur relative de son cabinet médical.

Un cabinet… ca n’a pas de prix !

La valeur d’un cabinet n’est pas toujours la même pour les deux médecins en négociation : pour celui qui cesse son activité, cette valeur est celle de toute une vie professionnelle, des moments bons et mauvais passés auprès de ses patients, de l’enthousiasme et de l’épuisement qui vont avec.

À l’heure du bilan, cette valeur est hautement symbolique, en plus de déterminer le confort d’une retraite bien méritée !

Pour beaucoup, la satisfaction morale de transmettre à un jeune médecin ne justifie donc pas de brader le fruit de cet investissement personnel et financier. Mais pour le jeune qui s’installe, la valeur du cabinet se résume au « prix de l’argent » : celui de l’emprunt !

C’est dire si des tensions peuvent se cristalliser autour du prix de cession. Voici donc notre jeune médecin, peu formé aux techniques de négociation, intimidé par son aîné, angoissé à l’idée de prendre une décision qui va conditionner sa vie professionnelle future. Pour peu qu’il s’installe en même temps dans la vie personnelle, achète une maison… l’angoisse est totale ! Sa lancinante question est donc invariablement : combien vaut donc ce cabinet médical ?

Halte à la panique !

 

Règle n° 1 : il n’y a pas de règle !

Un cabinet médical n’a pas de prix prédéterminé car il n’existe aucune règle en la matière, ni même d’usage. Inutile donc d’interroger l’Ordre des médecins, il serait bien en peine de vous répondre car il voit de tout dans les contrats qui lui sont transmis. Il y a encore quelques années, le ratio : chiffre d’affaires annuel moyen du cabinet/nombre d’associés était souvent mis en œuvre. Cette époque est cependant révolue depuis que la démographie médicale est devenue ce qu’elle est…

 

Règle n° 2 : la loi de l’offre et de la demande détermine le prix

Aujourd’hui, ce qui prévaut, c’est la loi de l’offre et de la demande. Quelques critères sont toutefois à prendre en compte :

• le lieu du cabinet et la concurrence alentour, autrement dit le développement potentiel ;

• le chiffre d’affaires annuel du cabinet au cours des 3 dernières années, révélant l’importance de la patientèle (essentiel !) ;

• selon la spécialité exercée, la composition de l’activité du médecin partant est aussi à étudier : on peut avoir un chiffre d’affaires important basé avant tout sur le traitement des ongles incarnés (ça aussi, c’est du vécu !) ;

• les derniers bilans comptables de votre prédécesseur. Pensez bien à les demander ! Ils vous permettront de connaître le chiffre d’affaires et les charges professionnelles de votre interlocuteur, détails non négligeables ! Et au passage, demandez aussi à voir son relevé annuel d'honoraires (SNIR, Système national inter-régimes) ainsi que son relevé individuel d'activité et de prescriptions (RIAP) ;

• certaines garanties font grimper le prix, à juste titre : si vous intégrez en même temps un groupe de médecins dans lequel exerçait le cédant, le partage intégral des honoraires ou la garantie écrite que vous réaliserez au moins tel chiffre d’affaires durant vos 2 premières années d’exercice sont une source de sécurité importante ;

• le prix du matériel cédé, le cas échéant, et celui des parts sociales éventuelles (SCM, SCP, SEL) seront systématiquement évalués sur le plan comptable, bien entendu. Il y a beaucoup moins de place pour la négo lorsqu’on intègre une SCP ou une SEL : le prix des parts est déterminé dans les statuts. Reste à savoir si vous êtes prêt à payer ce prix ;

• enfin, établissez une estimation du nombre d’années qu’il vous faudra pour rentabiliser l’investissement, au regard du chiffre d’affaires escompté. Adoptez une vraie réflexion d’investisseur !

 

Règle n° 3 : se renseigner autour de soi

Souvenez-vous que si la loi de l’offre et de la demande prévaut, il y a certainement eu récemment des offres acceptées par de jeunes confrères sensés. Le message est clair : renseignez-vous sur ces transactions.

Contactez-les et faites appel à des professionnels avertis pour vous aider à négocier, rédiger le contrat, etc. Vous saurez ainsi quels sont les prix récemment pratiqués pour des cessions similaires et ce qu’il est raisonnable d’accepter.

 

Dernier conseil

L’improvisation sied mieux au domaine artistique et le sens du vent n’a aucune importance… Bonne négo !

 

Maïalen Contis est avocate au Barreau de Toulouse. Docteur en droit, elle se consacre uniquement au droit de la santé.

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