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Un secteur 2 dans le viseur
La rentrée 2025 s'annonce difficile pour les médecins du secteur 2. Début octobre, le Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (Hcaam) a publié un rapport sans concession pointant l'explosion des dépassements d'honoraires : 4,3 milliards d'euros en 2024, soit une progression de 5% par an en valeur réelle depuis 2019.
Le constat est sans appel : 56% des spécialistes exercent aujourd'hui en secteur 2, contre seulement 37% en 2000. Pour le Hcaam, le système présente « un risque réel de renoncement aux soins ou de charge financière excessive » pour les patients. L'exemple donné est éloquent : pour une prothèse totale de hanche, près de la moitié des patients s'acquittent de dépassements de 630 € en moyenne, dépassant 1 000 euros dans 10% des cas.
Un second rapport, commandité par François Bayrou aux députés Jean-François Rousset et Yannick Monnet, doit être rendu mi-octobre et devrait être tout aussi critique.
Une mobilisation d'envergure en préparation
Sans attendre d'être « cloués au pilori », l'Union des chirurgiens de France (UCDF) et le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France, tous deux membres d'Avenir Spé-Le Bloc, ont lancé un appel à la mobilisation inédit : l'"Opération Bruxelles".
Du dimanche 11 au mercredi 14 janvier 2026, les praticiens sont invités à cesser toute activité et à se retrouver dans la capitale belge. L'objectif affiché est clair : « créer, du vendredi 9 au jeudi 15 janvier 2026, une situation sanitaire politiquement insupportable, quel que soit le gouvernement en place », indique l'UCDF sur son site.
Le mouvement vise l'ensemble des acteurs du bloc opératoire : 3 000 anesthésistes, 16 000 chirurgiens et 1 000 obstétriciens libéraux. Quatre-vingts autocars sont déjà affrétés au départ de Paris, avec un programme complet comprenant séance plénière et découverte de Bruxelles, pour un tarif entre 870 et 1 180 €.
L'avantage tactique est évident : difficile de procéder à des réquisitions quand les praticiens se trouvent à l'étranger.
Des compléments d'honoraires, pas des dépassements
Pour le Dr Philippe Cuq, coprésident d'Avenir Spé-Le Bloc et chirurgien vasculaire à Toulouse, la sémantique a son importance. « Il faut bien comprendre que certains actes n'ont pas été revalorisés par la sécurité sociale depuis 1990. Est-ce qu'aujourd'hui les patients accepteraient de se faire opérer dans les mêmes conditions qu'il y a 30 ans ? », interroge-t-il sur France 3 Occitanie.
Le président de l'UCDF reconnaît que « on trouve bien sûr des abus chez certains confrères, mais il ne faut pas généraliser ». Selon lui, ces « compléments d'honoraires » permettent de financer les innovations constantes du secteur : « Ces compléments d'honoraires nous servent à nous équiper de nouveaux matériels, de robots, à nous acquitter de nos charges, à rémunérer des infirmières ou le secrétariat ».
Les mutuelles pointées du doigt
Dans cette bataille, les chirurgiens désignent un autre adversaire : les complémentaires santé. « Ce devrait être aux complémentaires santé de rembourser ces frais aux patients qui payent cher leurs cotisations. La situation est insupportable. On dit ces salauds de chirurgiens, ils exagèrent. Mais les mutuelles ont un chiffre d'affaires de 44 milliards d'euros et augmentent les cotisations des patients de 8 à 10% par an », argumente Philippe Cuq.
Le problème de fond reste entier : ces montants ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale et de moins en moins remboursés par les complémentaires santé, laissant un reste à charge parfois prohibitif pour les patients.
Un mouvement historique qui se répète
Cette stratégie n'est pas totalement inédite. En 2005, face à Xavier Bertrand, les syndicats libéraux avaient déjà appelé leurs troupes « à rejoindre Londres », rappelle le Dr Cuq. Vingt ans plus tard, l'histoire semble se répéter avec une escalade supplémentaire.
L'UCDF organise un webinaire national ce mercredi 8 octobre à 19 heures pour discuter des raisons et des modalités du mouvement. Le message est clair : « N'attendez pas les débats parlementaires et le vote du PLFSS 2026 : il sera alors trop tard pour agir ».