Régionalisation du numerus clausus : une équation insoluble ?

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Les capacités de formation et les besoins de santé de la région pris en compte

Régionalisation du numerus clausus : une équation insoluble ?

La régionalisation du numérus clausus n’a que peu de chances d’influer sur la démographie médicale, et laisse ouverte la question de l’adéquation des capacités de formation et des besoins de santé régionaux.

 

C’est une des mesures annoncées au terme de la Grande conférence de santé par Manuel Valls : le numérus clausus des professions de santé sera désormais modulé à l’échelle de la région. Le nouveau mode de calcul par région devra tenir compte à la fois des besoins de santé locaux et des capacités de formation des universités avec, pour objectif officiel, d’après la feuille de route, d’« améliorer la répartition territoriale des médecins ».

Il est cependant douteux que la régionalisation du numérus clausus permette de lutter efficacement contre les déserts médicaux. « La régulation démographique par le numérus clausus ne marchera pas », tranche le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de la Conférence des doyens. « Quand les étudiants passent l’examen classant, ils sont ventilés au niveau national. On peut faire ses études en Île-de-France et passer son internat à Montpellier. »

Un mauvais outil de régulation géographique

Instauré en 1971, le numérus clausus a très vite été employé comme un outil de réduction des dépenses de santé nationales. S’il permet peu ou prou de maîtriser l’effectif global de médecins (beaucoup moins depuis l’explosion du nombre de médecins étrangers), il est en revanche un outil de régulation géographique très imparfait, car situé très en amont de l’installation.

Au moins dix ans s’écoulent ainsi entre la sélection d’un étudiant par le numerus clausus et son installation comme jeune médecin. Une décennie durant laquelle la mobilité géographique est de rigueur : 50 % des étudiants changent de région à l’issue des ECN, et encore 20 % s’installent en-dehors de leur région d’internat.

Difficile, dans ces conditions, de compter sur le numérus clausus pour améliorer la répartition territoriale des médecins. « Que le numérus clausus soit un bon outil de régulation géographique, j’en doute de plus de plus », confiait ainsi Anny Golfouse, ex-secrétaire générale de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), dans une récente allocution aux doyens.

Adaptation aux capacités de formation

La mesure de régionalisation du numérus clausus a été reprise des recommandations publiées par le Cnom dans son livre blanc « Pour l’avenir de la santé ». Or, l’Ordre ne fait pas mystère de son peu de considération pour un système dont il juge qu’il ne « régule en rien la démographie médicale ». Mais à quoi peut donc servir la régionalisation du numérus clausus, si elle s’avère incapable de repeupler les déserts médicaux ?

Peut-être à contenter les syndicats étudiants, qui se réjouissent du fait que le numérus clausus régional devra tenir compte des capacités de formation des universités. « Parfois, un externe se retrouve avec seulement deux patients au lieu de sept ou huit ! », déplore Maxime Rifad, vice-président de l’Anemf, pour qui « seuls les étudiants se plaignent vraiment des capacités de formation ».

Des exigences contradictoires

Mais dans les faits, l’élaboration du numérus clausus régional devra composer avec deux exigences : non seulement les capacités de formation, qui détermineront une borne maximale pour le numérus clausus, et les besoins de santé dans la région, pour une borne minimale. Les fourchettes ainsi définies seront remontées à l’ONDPS, qui aura la lourde tâche de fixer un numérus clausus national.

Or rien ne dit que ces deux exigences seront amenées à coïncider. Pour l’heure, ce serait même plutôt l’inverse : les besoins de santé augmentent, tandis que les capacités de formation des universités tendent à saturer. Une équation insoluble ?

Source:

Yvan Pandelé

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