La plateforme de données de santé de l’Assurance maladie pour la recherche prend du retard, faute d’hébergeur

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Créée en 2019 par l'Etat, la plateforme de données de santé pour la recherche (Health Data Hub) devait être une caverne d'Ali Baba pour les scientifiques, en leur permettant d'exploiter le trésor des données de l'Assurance maladie. Mais elle ne peut toujours pas déployer son véritable potentiel.

La plateforme de données de santé de l’Assurance maladie pour la recherche prend du retard, faute d’hébergeur

© IStock 

La raison ? Elle n'a toujours pas trouvé, en Europe, un fournisseur lui proposant une plateforme technologique conforme à ses exigences.

"Toutes nos activités ne sont pas à leur maturité totale", euphémise Stéphanie Combes, la directrice générale du Health Data Hub depuis sa fondation.

La structure, qui compte aujourd'hui quelque 90 salariés ne chôme pas, puisqu'elle accompagne ou a accompagné 89 projets de recherche, dont 13 "sont déjà terminés" ou "ont produit des résultats intermédiaires", selon ses chiffres.

Mais le Health Data Hub ne peut toujours pas remplir sa mission première : disposer, sur ses propres ordinateurs, du système national de données de santé, un trésor géré par l'Assurance maladie et qui est l'une des bases de données de santé les plus complètes au monde.

Il est toujours contraint de demander, à chaque projet de recherche, une extraction aux informaticiens de l'Assurance maladie.

Un goulot d'étranglement --et une perte d'efficacité-- car les travaux informatiques réalisés à partir d'une étude ne peuvent resservir pour une nouvelle étude.

Ce blocage est dû à l'impossibilité de trouver une solution européenne pour héberger l'infrastructure informatique du Health Data Hub.

En novembre 2020, le ministre de la Santé de l'époque, Olivier Véran, s'est engagé dans un courrier à la Cnil à ce que cet hébergeur soit trouvé "dans un délai de 12 à 18 mois

Lors de la création, et dans une certaine discrétion, l'Etat a confié l'hébergement de la plateforme au géant américain Microsoft et ses puissants outils de traitement de masse des données.

Mais ce choix a vite suscité la polémique, alors que l'Union européenne prenait progressivement conscience du danger de confier ses données les plus sensibles aux géants américains du "cloud" (infrastructure informatique virtuelle), contraints d'obéir partout dans le monde aux très intrusives lois sécuritaires américaines.

La Cnil, défenseur des libertés des Français face au numérique, et le Conseil d'Etat ont demandé au gouvernement de trouver un hébergeur "relevant exclusivement des juridictions de l'Union européenne", selon les mots de la Cnil.

En novembre 2020, le ministre de la Santé de l'époque, Olivier Véran, s'est engagé dans un courrier à la Cnil à ce que cet hébergeur soit trouvé "dans un délai de 12 à 18 mois, et en tout état de cause dans un délai ne dépassant pas 2 ans".

Mais le délai est aujourd'hui largement expiré, et le Health Data Hub affirme qu'il ne peut toujours pas trouver chaussure à son pied en Europe.

"Le constat reste toujours un peu le même", relève Stéphanie Combes. Les "services essentiels" dont le Health Data Hub a besoin "sont toujours très peu disponibles" chez les opérateurs de cloud européens.

"Nous pourrions envisager une migration en 2025"

La directrice estime à "un peu plus de 20" le nombre de services essentiels encore indisponibles chez des acteurs européens.

Ces services sont notamment liés à des problématiques de sécurité --gestion des clefs de chiffrement des données, contrôle des accès à celles-ci etc.--.

Selon elle, les offres des opérateurs européens sont en train d'évoluer, et "il y a un certain nombre de solutions importantes pour nous" que les opérateurs européens vont intégrer "dans les six prochains mois pour certains, ou dans la prochaine année pour d'autre". "Nous pourrions envisager une migration en 2025", estime-t-elle.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/la-transparence-des-donnees-lhopital-cest-possible-0

En attendant, le retard pris dans la montée en charge du Health Data Hub fait perdre un temps précieux aux chercheurs, dit-elle.

"On risque (...) d'avoir demain des applications médicales développées par des Américains et des Chinois, sur des données dont on ne sait pas d'où elles proviennent, et dont on ne saura pas si elles ont été développées ou non dans le respect du RGPD (le règlement européen sur la protection des données", ajoute la responsable.

Avec AFP

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