Procès du Médiator : Francis Wagniart, ex-responsable de la pharmacovigilance de Servier, estime qu’il n’a aucune erreur à déclarer

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Au procès en appel du Mediator, un ex-responsable de Servier a estimé hier n'avoir commis "aucune erreur" dans la gestion des risques liés à ce médicament, reconnaissant pourtant sa parenté avec d'autres produits interdits dès 1997.

Procès du Médiator : Francis Wagniart, ex-responsable de la pharmacovigilance de Servier, estime qu’il n’a aucune erreur à déclarer

© IStock 

Entendu comme témoin plus de cinq heures par la cour d'appel de Paris, Francis Wagniart, s'est retranché derrière "la réglementation" et a attribué à "la procrastination" des autorités sanitaires l'interdiction tardive du Mediator.

Commercialisé comme antidiabétique en 1976 mais aussi prescrit indûment comme coupe-faim jusqu'à 2009, ce médicament a entraîné de graves effets cardiovasculaires chez des milliers de patients.

Entré chez Servier en 1980, devenu responsable de la pharmacovigilance "trois mois plus tard", Francis Wagniart occupera ce poste pendant 32 ans. Aujourd'hui retraité, il est toujours conseiller du laboratoire.

Carrure imposante malgré ses 75 ans, il répond avec aplomb aux questions de la cour, qui rejuge depuis le 9 janvier le groupe pharmaceutique et son ex-numéro deux, notamment accusés d'avoir dissimulé la toxicité du Mediator.

- "Est-ce qu'il y a eu des erreurs d'appréciation ?"

- "Le défaut de l'Agence (du médicament, NDLR) c'est de ne pas fixer des limites dans le temps. (...) En France, on a des enquêtes qui durent des mois et des années. Pour le laboratoire, c'est très compliqué", élude-t-il.

- "Pour vous, il n'y a eu aucune erreur en interne ?", le relance le président Olivier Géron.

- "Non", assure-t-il.

Au début du procès, Jean-Philippe Seta, ancien numéro deux de Servier, avait réfuté toute faute pénale mais reconnu des "erreurs d'appréciation du risque".

"Faut-il que l'agence demande quelque chose pour que les laboratoires le fassent ?", s'étonne l'un des avocats généraux, Jean-Philippe Rivaud.

Un laboratoire est tenu de signaler "tout effet inattendu ou toxique" susceptible d'être dû à un de ses médicaments, sans attendre de consignes des autorités sanitaires, souligne le président.

Pour l'accusation, l'application de Servier à présenter le Mediator comme "radicalement différent" des anorexigènes a contribué à l'exclure du radar de la pharmacovigilance et a trompé les médecins prescripteurs

"On a l'impression que pendant toutes ces années, vous n'étiez pas celui chargé scruter les effets indésirables, mais celui chargé d'éteindre les alarmes", s'emporte une avocate de parties civiles, Sylvie Topaloff.

L'avocat général rappelle que Georges Chiche, le médecin marseillais qui avait signalé en 1999 le premier cas d'atteinte de valves cardiaques lié au Mediator, avait reçu un appel d'un "professeur de cardiologie qui avait des liens avec Servier" lui passant un savon.

"Les très bons amis, croyant bien faire, nous plombent…", lance le témoin, avant de se reprendre, assurant que lui-même n'a eu connaissance de cet appel que "par la presse".

S'écartant de la ligne de défense de Servier, le médecin reconnaît la "parenté chimique" du Mediator avec l'Isoméride et le Pondéral, coupe-faim retirés du marché en 1997 en raison d'effets cardio-vasculaires indésirables.

Il n'exclut pas que le Mediator ait un effet anorexigène, jugeant seulement que c'est "très difficile à évaluer".

Pour l'accusation, l'application de Servier à présenter le Mediator comme "radicalement différent" des anorexigènes a contribué à l'exclure du radar de la pharmacovigilance et a trompé les médecins prescripteurs.

Francis Wagniart esquisse même des "regrets" de n'avoir "pas réagi dès 1995", au moment où une étude met en évidence le risque d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), pathologie rare et très grave, chez les patients traités avec l'Isoméride et le Pondéral.

Mais l'auteur de cet étude, Lucien Abenhaïm, "nous a rassuré sur le Mediator", affirme-t-il.

Entendu le 13 février au procès, ce professeur d'épidémiologie a au contraire affirmé que Servier n'avait jamais mentionné la parenté entre ces différents médicaments. "Nous avons affaire à un drame absolument évitable", avait-il regretté, tout en estimant que sa seule étude n'aurait pas permis de faire émerger le risque lié au Mediator.

Aujourd'hui encore, "il manque une preuve irréfutable" que la consommation de Mediator augmente le risque d'HTAP, avance Francis Wagniart.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/irene-frachon-au-proces-en-appel-du-mediator-je-nai-pas-fait-ce-metier-pour-me-retrouver

En 2006, Servier avait finalement lancé une étude, qui avait conclu qu'après un an d'exposition au Mediator, un patient sur six avait développé une fuite d'une valve cardiaque.

Mais les participants n'ont été informés que des risques figurant déjà dans la notice du médicament, donc ni l'HTAP, ni les atteintes des valves cardiaques.

"Est-ce que c'est éthique ?", interroge Catherine Swzarc, avocate de parties civiles. "C'est réglementaire", lâche le témoin après un silence.

Avec AFP

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