Pas de devis, des déchets, 70 patients bâclés par jour… Gros plan sur le cabinent «du dentiste le mieux payé de France»

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Travail à la chaîne, hygiène défaillante, devis ou radios falsifiés : le fonctionnement du cabinet dentaire du père et du fils Guedj a été au centre des débats mardi 1er à Marseille, où les deux hommes sont jugés pour avoir mutilé des centaines de patients.

Pas de devis, des déchets, 70 patients bâclés par jour… Gros plan sur le cabinent «du dentiste le mieux payé de France»

Lionel Guedj, 41 ans, et Carnot Guedj, 70 ans, sont poursuivis pour s'être enrichis sur le dos de l'assurance maladie et des mutuelles en réalisant un maximum de prothèses dentaires sur des patients qui n'en avaient pas besoin, après avoir dévitalisé des dents saines. Il leur est également reproché d'avoir réalisé des faux pour tromper les contrôles de l'assurance maladie.

C'est en août 2005 que Lionel Guedj, tout jeune diplômé, ouvre son cabinet dans une petite maison de ville des quartiers nord de Marseille, où réside une population modeste. Sa patientèle sera pour moitié à la CMU et pour 99% au tiers payant. Ce choix, explique-t-il, est lié à la présence dans le quartier de son oncle, un médecin généraliste qui pouvait lui amener des patients.

Il s'associe avec un ami d'adolescence avec qui il a fait ses études de dentiste, le docteur Benoît Dobbels, pour partager les murs, le matériel, et embaucher une secrétaire médicale d'abord, puis, deux ans plus tard, une assistante dentaire. "Mais on avait des activités séparées et chacun nos patients", a précisé le docteur Dobbels.

Lionel Guedj sera ensuite rejoint par son père, venu l'épauler alors qu'il luttait contre un cancer.

En quelques années, le praticien va devenir le dentiste le mieux payé de France. Mais aujourd'hui, à la barre du tribunal correctionnel de Marseille, 332 anciens patients lui reprochent d'avoir gâché leur vie en les trompant sur la qualité de leurs dents pour justifier des opérations inutiles et irréversibles qui ont ravagé leurs bouches.

A la barre, Lionel Guedj vante l'excellence de son matériel qui pourrait, selon lui, expliquer ses "performances professionnelles" : "J'ai investi pour être au top. On avait à l'époque des outils assez novateurs", s'enorgueillit-il.

Il évoque même des piqûres d’EPO pour tenir

Il parle également de sa boulimie de travail, de 06h00 à 19h30 : "Après ma maladie, je me suis enfermé dans ce cercle infernal de l'acharnement au travail. Je me donnais à fond", explique-t-il, évoquant même "des piqûres d'EPO pour tenir".

Toujours pour justifier l'argent gagné, il parle d'un rythme de 70 patients par jour à raison de 10 à 15 minutes par rendez-vous. Il faisait 80% de dévitalisations et 20% de soins.

"Moi, c'était l'inverse", a précisé le docteur Dobbels, qui recevait 15 patients par jour, avec pour conséquence un chiffre d'affaires quatre fois inférieur.

En 2012, les deux hommes se séparent. Le praticien explique avoir été dérangé par le mode de travail de son ami, "sa quantité de patients, le nombre de prothèses qu'il facturait" : "Et il en était à son troisième contrôle de la Sécu".

Pour l'assurance maladie, il aurait fallu 57 heures de travail par jour pour de tels résultats. D'où les questions de la présidente, Céline Ballerini, sur les conséquences d'une telle suractivité en termes d'hygiène.

"Il faut nous dire comment vous étiez capable de recevoir 70 personnes par jour en respectant les normes ?", lance-t-elle, en évoquant les boîtes de gants stériles périmés ou encore l'absence de champs opératoires. Pour illustrer ces propos sont alors projetées des photos de déchets amoncelés dans un bureau, en attente de stérilisation.

"On aurait dû être plus vigilants", concède Lionel Guedj.

Le déroulement des premiers rendez-vous est également décortiqué. "Pas de questionnaire médical écrit, pas de devis", ont affirmé des plaignants. Quant aux radios censées montrer l'état initial des dents, elles ont disparu, et au moins "une autre a été maquillée", selon la secrétaire médicale.

Mais Lionel Guedj réfute ces accusations : "le cabinet a toujours été tenu dans les règles de l'art".

Le procès est prévu jusqu'au 8 avril.

Avec AFP

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