Mieux vaut tard que jamais

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L'introduction de la simulation en santé a été tardive en France. Dans ce domaine, notre pays a longtemps couru derrière les anglosaxons. Une situation qui est en train de changer...

Mieux vaut tard que jamais

Sous Louis XV, au milieu du XVIIIe siècle, une sage-femme, Mme du Coudray, enseigne son art à des étudiantes. Son matériel pédagogique ? Rien moins que le premier simulateur médical de l’histoire : un mannequin grandeur nature représentant le bassin d’une femme et un autre représentant un nouveau-né. En 25 ans de « carrière », ces poupées et leur conceptrice ont permis à 5 000 accoucheuses d’apprendre les gestes qui donnent la vie. Voilà qui aurait pu conférer à la France une longueur d’avance en matière de simulation en santé… Mais quand, dans les années 80, les premiers mannequins modernes ont bouleversé la pédagogie médicale aux États-Unis, les carabins de l'Hexagone s’en sont tenus au bon vieux compagnonnage des familles.

Des pionniers incompris
Quelques pionniers français ont tenté de se lancer dans l’aventure de la simu. En 1994, le Pr Philippe Scherpereel, chef du service d’anesthésie-réa au CHRU de Lille, a réussi à convaincre sa hiérarchie d’acquérir un mannequin high-tech, le premier à jamais avoir été utilisé dans un hôpital français. Mais il a fait peu d’émules : « Il n’était pas facile de trouver des moniteurs ayant à la fois une grande expérience clinique, un goût pour la pédagogie et surtout suffisamment de temps à consacrer hors du bloc opératoire et de la réanimation ». Au début des années 2000, le Pr. Dan Benhamou, homologue de Philippe à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, AP-HP, a lui aussi acheté un mannequin pour son service d’anesthésie-réanimation. D’autres hôpitaux, intrigués par ce nouvel outil, lui demandaient régulièrement de faire des démonstrations. « Nous effectuions ces présentations sans aucun soutien financier, c’était de l’artisanat total ! »

Le rapport de la HAS : un déclic
C’est finalement assez tard que les autorités ont pris conscience du retard français. Un rapport a été commandé en 2010 par la Haute Autorité de santé (HAS) au Pr Jean-Claude Granry, un autre pionnier
de la simulation basé à Angers (lire aussi page 32 : « Organisation de la simulation ou simulation d’organisation ? »). Ce document a servi de déclic national, d’après son auteur. Depuis, des initiatives jusqu’ici indépendantes se sont coordonnées, les colloques se sont multipliés et la simu a fait son apparition dans les documents officiels : Stratégie nationale de santé, Programme national pour la sécurité des patients… L’État a même décidé d’investir : via les Agences régionales de santé (ARS), le Ministère de la santé a lancé des appels à projets à hauteur de 8,26 millions d’euros depuis 2013. Au final, la situation française n’est plus si catastrophique. Certaines structures comme iLumens (lire aussi page 22 : « Les différents types de simulation ») acquièrent une réputation internationale. En février dernier, le Pr Alexandre Mignon, son cofondateur, se permettait même une certaine dose de flagornerie lors du 4e Colloque francophone de simulation en santé : « On est en train de rattraper, voire de dépasser, ceux qui nous ont montré le chemin ».

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