Médicaments de pointe, dopage génétique, la lutte contre le dopage est de plus en plus compliquée

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Mieux connaître les opioïdes de synthèse sortant de labos clandestins, mais aussi les ARN messager susceptibles d'être détournés pour se doper : Olivier Rabin, directeur scientifique de l'Agence mondiale antidopage (AMA) détaille les nouveaux défis de la lutte antidopage dans un entretien.

Médicaments de pointe, dopage génétique, la lutte contre le dopage est de plus en plus compliquée

Quels sont les défis de la lutte antidopage dans les dix années à venir ?

Olivier Rabin : Il y a des laboratoires illégaux qui produisent des substances dont certaines d'entre elles sont des stimulants, des opioïdes, des cannabinoïdes, qu'on appelle en anglais les NPS (new psychoactive substances). On en a identifié plus de 1 000 maintenant, et elles peuvent arriver dans le dopage et être utilisées par les athlètes. Il y a un rôle de vigilance sur ces substances. On surveille aussi ce qui se passe sur internet, le « darknet » pour voir le type de substances qui pourraient être mis à disposition ainsi que les forums de discussions d'athlètes.

Vous surveillez aussi ce que produit légalement l'industrie pharmaceutique ?

O R : A horizon de 10 ans, les substances qui sont en développement clinique dans les portefeuilles des compagnies pharmaceutiques sont, pour un certain nombre, les agents dopants de demain. On collabore avec l'industrie pharmaceutique. Nous avons des accords avec des associations d'industriels et des accords bilatéraux avec des groupes pharmaceutiques et de biotechnologies de façon à avoir un échange privilégié d'informations.

Cela fait des années qu'on parle de la perspective de dopage génétique, où en est-on ?

O R : Aujourd'hui, les thérapies géniques avancent beaucoup. On parle de l'édition génique, avec une enzyme qui va modifier une ou deux bases sur l'ADN et ainsi de modifier un gène. Ce sont des outils fantastiques, qui sauvent déjà des vies, mais qui sont aussi des défis pour nous. Je pense à ce qui concerne l'inhibition de la myostatine (qui freine le développement musculaire). De même, si je vous injecte un ARN messager d'une substance dopante, bien sûr c'est du dopage. Il y a des ARN qu'on peut détecter, et surtout son effet. Nous avons discuté avec les groupes qui ont développé les vaccins (contre le coronavirus, ndlr) et qui nous ont donné des indications très utiles et très précises. Il y a des ARN qui sont déjà cherchés dans des laboratoires antidopage.

Quel est le bilan de la technique dite de sang séché (prélèvement d'une goutte de sang) mise en place à Pékin pour les JO d'hiver ?

O R : On a fait environ 120 contrôles à Pékin et nous n'avons pas eu de résultat positif à une substance. Cela s'est bien passé et cela nous ouvre la porte pour la suite.

Comment l'intelligence artificielle peut-elle vous aider ?

O R : Vous êtes sur une masse de données qui échappe à la compréhension du cerveau humain. L'intelligence artificielle, une fois qu'elle a appris ce qui est lié au dopage et ce qui est lié à des athlètes propres, peut comparer, faire le tri, et faire des corrélations. La machine permet d'aller plus vite et de focaliser nos ressources limitées sur des profils intéressants.

Le budget de l'AMA dédié à la recherche a été très réduit depuis plusieurs années, va-t-il augmenter ?

O R : On va regagner des moyens. Sous réserve d'approbation à l'automne prochain, on devrait avoir un budget de 4,5 millions de dollars pour la recherche scientifique, il était tombé à 1,9 million de dollars. L'argent dans la recherche, c'est le nerf de la guerre et on était freiné par cette situation budgétaire.

Avec AFP

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