À l'hôpital Saint-Anne, un « petit cocon » pour les ados qui vont mal

Article Article

À Paris, l'unité ATRAP de l'hôpital Saint-Anne accueille en urgence des adolescents en détresse psychique. En un mois renouvelable, cet accompagnement pluridisciplinaire tente de les aider à reprendre pied, avec leur famille, dans un environnement de soins et d'écoute.

À l'hôpital Saint-Anne, un « petit cocon » pour les ados qui vont mal

© Midjourney x What's up Doc

 

C’était il y a un an. Célia, 13 ans, venait d’entrer en 3e. Mais, après quelques jours, cette excellente élève refusait de retourner au collège : sa prise en charge rapide et intensive, par une structure dédiée de l’hôpital public, « petit cocon » pour les ados en crise, lui a permis d’aller mieux, raconte son père.

Elle n’avait subi « ni harcèlement ni agression » mais « un clash avec des copines l’avait beaucoup isolée », dit à l’AFP son père, Stéphane (prénoms modifiés), conseiller en stratégie d’entreprise.

Veuf depuis dix ans, ce papa de trois filles trouve une psychiatre qui « prescrit un médicament ». Mais, en voyant « la dépression » de Célia s’aggraver – elle ne dort plus, se scarifie et mange compulsivement, une hyperphagie qui lui fera prendre 30 kg en un an –, il comprend que cela ne suffira pas.

« Comme beaucoup de parents d’un ado qui va mal, je me suis retrouvé à ne savoir absolument pas quoi faire, où aller », affirme Stéphane : il cherche pendant un mois où faire hospitaliser sa fille.

Alors que la santé mentale est grande cause nationale 2025, les hospitalisations d’adolescentes de 10 à 14 ans pour tentatives de suicide ou automutilations ont bondi de 22 % en 2024, selon les services statistiques des ministères sociaux (Drees).

À son « immense soulagement », Stéphane finit par trouver l’Accueil Temporaire Rapide Ados Parisiens (ATRAP), dépendant de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, qui prend en charge en 48 h depuis 2021 des enfants de 10 à 15 ans en crise psychique (tentative de suicide, refus scolaire anxieux...), dont 80 % envoyés par des services d’urgences.

« Un enfant qui ne veut plus aller à l’école, c’est comme s’il était en grève, sans savoir ce que dit son panneau : notre travail consiste à y trouver du sens avec le jeune et sa famille », explique la psychologue Héléna Muni-Toke.

Cette prise en charge intensive d’un mois renouvelable comprend chaque semaine des entretiens individuels et en famille, des ateliers (dessin, théâtre...), des jeux en groupe. L’ado doit s’investir dans les soins, soutenu par ses parents qui « mettent un peu leur vie en pause », dit-elle.

Un « petit cocon » pour ados en crise

Dans l’est de la capitale, des bureaux anonymes accueillent la petite équipe d’ATRAP : deux psychiatres, deux psychologues, deux infirmières, deux éducatrices, une art-thérapeute, une enseignante, un interne en psychiatrie qui reçoivent, toujours à plusieurs, enfants, parents, frères et sœurs.

Un « petit cocon » où l’on tisse des liens forts avec les familles : « on est très joignables, elles le savent », rapporte Héléna Muni-Toke. « Les plus anxieux appellent chaque matin ».

« Très en difficulté », les parents d’un enfant qui a tenté de se suicider sont reçus en famille, ce qui « permet de trouver les mots pour dire ce qui s’est passé, comment on s’en remet, comment on va être aidé », dit la Dr Victoire Paillard, médecin responsable de l’unité.

« Avoir son enfant qui veut mourir ou qui délire, c’est insupportable » : accompagner les parents, qui parfois ne peuvent pas laisser leur ado seul avec ses idées noires et « vivent une situation d’hospitalisation à domicile », permet de « restaurer leur capacité à continuer d’être solides, présents et connectés à leur enfant », explique Héléna Muni-Toke.

Restaurer le lien, redonner confiance

Certaines crises révèlent des souffrances enfouies. Incapable de se concentrer en classe, l’une peut être assaillie par des flashbacks traumatiques liés à une agression sexuelle non révélée ; venu pour un trouble alimentaire, l’autre présentera les signes précurseurs d’un trouble psychotique nécessitant son hospitalisation.

Enseignante, Patricia Signoret veille à ce que l’ado poursuive au mieux sa scolarité, avec un emploi du temps adapté au collège ou des cours à domicile via le dispositif APADHE (Accompagnement Pédagogique À Domicile À l’Hôpital ou à l’École) notamment. Bonne connaisseuse des rouages de l’institution scolaire, complice et disponible, elle redonne aux ados le goût des apprentissages.

« Mais nous n’avons pas de baguette magique », admet la Dre Paillard, dont l’équipe souligne la nécessité de renforcer les moyens des centres médico-psychologiques (CMP), aujourd’hui débordés, qui prennent ensuite en charge le soin pérenne des adolescents.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/bienvenue-au-samu-psy-de-paris-nouvelle-pierre-angulaire-de-lorganisation-des-soins

Grâce à cette « équipe extraordinaire », dit Stéphane, Célia, aujourd’hui suivie à la Maison de Solenn à l’hôpital Cochin AP-HP, est entrée au lycée. « Aujourd’hui elle va mieux ».

Avec AFP

Aucun commentaire

Les gros dossiers

+ De gros dossiers