Les maladies neurologiques des personnages de contes

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Laurent Vercueil est neurologue au CHU de Grenoble. Dans un ouvrage intitulé “La Belle au bois dormant dort-elle vraiment ?”, il part à la recherche des maladies dont les personnages de contes pourraient être victimes. Et si, le monde du merveilleux racontait aussi un quotidien que l’on ne comprenait pas à l’époque ? D’une voix chaleureuse et rieuse, il raconte sa démarche scientifique à WUD.

Les maladies neurologiques des personnages de contes

Les contes de fée ont été étudiés sous toutes les formes, était-ce bien nécessaire d’y revenir encore ? 
 
Les psychanalystes ont expliqué que les contes pouvaient changer notre rapport au monde. Ce n’est pas du tout l’objet de mon enquête. A travers cette analyse, l’idée était de dire que ces contes racontent un quotidien d’un autre temps. Par exemple, aujourd’hui quand quelqu’un s’endort devant vous de façon soudaine et brusque, vous allez chercher un médecin immédiatement. A l’époque, on pensait que c’était un mauvais sort. 
Cette démarche est différente de celle des psychanalystes. Grâce à ces enquêtes j’ai aussi voulu faire de la pédagogie sur les activités de clinicien et de neurologue. C’est là une occasion de montrer comment on travaille, à travers des personnages que tout le monde connaît. Débarrassons le récit du merveilleux, leur façon de parler, de bouger, et travaillons sur comment on peut analyser ça. Dans les récits, on trouve pas mal d'indications et la neurologie est une discipline visuelle. Un comportement, une raideur, une façon de bouger les yeux ou la tête peut mettre sur une piste pour un début de diagnostic. 
La légende raconte que James Parkinson a diagnostiqué les premiers cas de la maladie qui porte désormais son nom, dans la rue. La neurologie c’est vraiment quelque chose de visuel et le merveilleux adore raconter des histoires très visuelles ! On s’est bien trouvés. 
 
Quel personnage de conte avez-vous préféré diagnostiqué ?
 
La question piège ! (rire). Je pense que je dirais l’Elfe de petite taille avec des traits physiques et comportementaux que l’on va retrouver chez Tolkien et dans le merveilleux. Là encore, il ne s’agit pas d’une invention mais bien d’une maladie neurologique que l’on ne comprenait pas à l’époque où ces contes ont été écrits. Cette maladie, qui se caractérise par une dysmorphie faciale, une malformation cardiaque, un comportement très empathique et des difficultés de langage, a fasciné pendant de longs siècles. Elle n’a été identifiée pour la première fois que dans les années 1950-1960 par le docteur Williams. A l’époque, comme personne ne comprenait, on parlait d’elfe. C’est devenu un personnage merveilleux. Mais je pense qu’ils devaient être isolés du fait de cette différence. Et c’est peut-être aussi pour ça que l’on les représente dans des forêts. 
 
Avec votre enquête, vous expliquez qu’aucun personnage n’a été inventé, que c’était une façon de raconter un quotidien incompris. N’est-ce pas là une façon de casser ce côté merveilleux que peuvent avoir les contes ? 
 
La connaissance et le savoir ce qu’il y a derrière le merveilleux, ne cassent pas le merveilleux. Les deux ne sont pas incompatibles. C’est juste une façon de comprendre d’où viennent nos imaginaires.
 
Quel retour avez-vous des patients ?
 
Un très bon retour. Ce côté passionnant du cerveau fascine beaucoup. Et c’est aussi une façon de dire aux malades et à leur famille : cela a toujours existé. Mais à une autre époque, il y avait une autre façon de parler de cela. Les gens souffraient de la même chose que vous et ça tisse un peu des liens.
 

 

Source:

La Belle au bois dort-elle vraiment ?  de Laurent Vercueil est publié aux éditions Humensciences (19 €)

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