Lequel je choisis ?

Article Article

Les médecins à l’épreuve du benchmark

Lequel je choisis ?

La comparaison des résultats entre médecins est une pratique qui peut déplaire à certains, mais qui est appelée à s’installer dans le secteur de la santé. Jens Deerbeeg-Wittram, expert international du benchmark médical, explique comment les médecins réagissent à ce phénomène… ou plutôt comment ils devraient réagir.

Parfois, l’action d’un médecin a des résultats palpables, immédiatement observables. Et parfois non. C’est sans doute la raison pour laquelle il est difficile d’évaluer les praticiens, et encore plus de mettre leur travail dans des bases de données. Certains essaient, pourtant, comme What’s Up Doc le raconte par exemple ici et . Leur objectif est d’aider les patients à s’orienter dans le système de soins, mais leurs efforts ne sont pas sans susciter certaines résistances dans la profession.

Et pourtant, que cela plaise aux médecins ou non, il faut s’attendre à ce que les initiatives de ce type se multiplient. Comment réagir face à ce phénomène ? Peu de personnes sont mieux qualifiées pour en parler que Jens Deerberg-Wittram, fondateur, membre du bureau et ancien président de l’ICHOM (International Consortium for Health Outcomes Measurement). Cette organisation à but non-lucratif se donne un objectif ambitieux : « transformer le champ de la santé en mesurant les résultats pour les patients de manière standardisée », ainsi que le proclame son site Internet.

Jens Deerberg-Wittram est médecin de formation, et il a dirigé un groupe de 15 hôpitaux en Allemagne par le passé. Son credo : le benchmark. C’est en se comparant les uns aux autres que les médecins peuvent s’améliorer. « Il ne s’agit pas de dire "je suis meilleur que toi" ou "tu es meilleur que moi" », explique-t-il. « Il s’agit de se demander ce que je peux apprendre de toi, et ce que tu peux apprendre de moi ».

« Tout est dans la manière d’amener la discussion »

Et d’après lui, lorsqu’on prend la peine de discuter avec les médecins, ceux-ci acceptent facilement l’exercice. « Lorsque je dirigeais des hôpitaux », se souvient-il « j’organisais des rencontres avec les médecins de chaque service tous les 6 mois. Je leur présentais les résultats des patients [complications, satisfaction, etc., ndlr], et leur demandais s’ils reconnaissaient leurs données ».

Au commencement, il n’était pas facile pour les médecins de se projeter dans l’exercice. « Au tout début, je ressentais de la peur et de l’anxiété de leur part », se rappelle Jens Deerberg-Wittram. Mais ensuite, les échanges étaient très constructifs. « Tout est dans la manière d’amener la discussion. Lorsque les données montrent un écart entre leurs résultats et ceux de leurs confrères, les médecins disent rarement qu’ils s’en fichent », affirme l’ancien directeur.

Il est possible que ce dernier prenne ses désirs pour des réalités : son cœur de métier, c’est justement l’évaluation. Mais son avis ne peut qu’intéresser les jeunes médecins. Et quand on lui demande si ceux-ci sont davantage rompus à ce genre d’exercice du benchmark que leurs aînés, Jens Deerberg-Wittram sourit : « La différence n’est pas entre les jeunes et les vieux, mais entre les spécialités », explique-t-il. « Certaines sont plus enclines à l’introspection que d’autres : la neurologie, la psychiatrie… Ils ont l’habitude de cas complexes dans lesquels la réponse n’est pas toujours claire. Les chirurgiens cardiaques ou orthopédiques, au contraire, ont plutôt tendance à voir les choses de manière mécanique ».

Quelle que soit la spécialité, cependant il va falloir s’y faire : pour améliorer la sécurité des soins ou pour informer le patient, le benchmark s’installe dans le secteur de la santé… Et il n’est pas prêt d’en sortir.

Source:

Adrien Renaud

Les gros dossiers

+ De gros dossiers