Le syndrome qui arrache la langue

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Comment les médecins prononcent-ils « Sjögren » ?

Le syndrome qui arrache la langue

Jeune assistant interniste à l’hôpital de la Croix-Saint-Simon à Paris, le Dr Thomas Sené s’est mis une idée en tête : découvrir comment les médecins prononcent le terme « Sjögren » (comme dans « syndrome de Sjögren »). Il s’est lancé dans une vraie étude (presque) sérieuse, questionnaire à l’appui. Interview.

 

What’s up Doc. Pourquoi vous lancer dans une étude sur la prononciation du terme « Sjögren » ?

Dr Thomas Sené. C’est une question qui me trotte dans la tête depuis que je suis étudiant, probablement depuis que j’ai entendu ce terme pour la première fois. On constate une grande diversité dans sa prononciation chez les médecins francophones. J’ai moi-même déjà été repris plusieurs fois par des chefs sur ma prononciation, alors que je pense que personne ne connaît ou ne maîtrise la prononciation exacte. J’ai donc voulu en savoir plus, sur le modèle des études dérisoires mais méthodologiquement correctes traditionnellement publiées dans le numéro de décembre du BMJ. Et poser des questions absurdes peut parfois arriver à des pistes de réflexion intéressantes !

WUD. Quelles sont les questions précises auxquelles vous allez répondre ?

TS. Il s’agit tout d’abord de faire un état des lieux de la prononciation chez les médecins francophones, et de ce qui détermine cette prononciation. Pour cela, j’ai établi un questionnaire en ligne auquel tous les médecins peuvent répondre. J’aimerais également déterminer quelle est la « vraie » prononciation suédoise, avec l’aide d’une de mes anciennes chefs qui est actuellement en Suède. Enfin, plus ambitieux, je vais essayer de savoir si la manière de prononcer « Sjögren » n’a pas une influence sur le phénotype de la maladie. Par le biais de l’association des patients souffrant du syndrome, je vais diffuser un formulaire pour déterminer comment les patients et leur médecin référent prononcent « Sjögren », et tenter d’établir une corrélation avec le niveau d’activité du syndrome.

WUD. Vous dites que ce genre d’études absurde peut donner lieu à des réflexions intéressantes. Lesquelles ?

TS. Il n’est pas exclu que la manière de prononcer « Sjögren » ait une influence sur le ressenti du patient face à sa pathologie. Devant la multitude des éponymes dont la prononciation n’est pas univoque (Quincke, Wegener…), on pourrait proposer différents concepts (la « bonne prononciation », compréhensible par tout le monde ; la « juste » prononciation, qui correspondrait à la forme de prononciation la plus répandue dans le pays d’exercice ; la prononciation « exacte », fidèle à celle du pays d’origine). Enfin, se poser cette question est une forme d’hommage aux éponymes, qui ont tendance à disparaître au profit d’acronymes ou de termes génériques moins chargés en histoire ou en exotisme.

WUD. Comment allez-vous diffuser ce travail ?

TS. L’objectif serait de faire une communication orale décalée au congrès de médecine interne en décembre prochain, et idéalement de publier ces résultats dans un journal francophone comme la Revue de Médecine Interne, traditionnellement sensible à ces thématiques dérisoires.

WUD. Vous prononcez « sieugrène ». Est-ce la prononciation exacte ?

TS. Non, j’ai été influencé par la prononciation d’un de mes mentors rhumatologue. Je ne pense pas qu’il existe une prononciation exacte, il semble même y avoir différentes manières de prononcer en Suède. Idéalement, la seule manière de savoir serait de demander à Sjögren comment prononcer son nom…Malheureusement, il est mort il y a 30 ans.

 

Pour répondre au questionnaire de Thomas, c’est par ici.

Source:

Adrien Renaud

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