Le syndrome de stress post-humanitaire

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L'expérience humanitaire peut traumatiser un esprit non préparé car les missions nous confrontent à des situations déroutantes.

Le syndrome de stress post-humanitaire

La solitude
« Lors de ma première mission, j’étais encore interne et… seul médecin à bord ! » explique Julien, anesthésiste. Il aurait dû être encadré par son prédécesseur qui, pour des raisons personnelles, était parti dès le lendemain de son arrivée. C’est aussi ça, l’humanitaire : parer à l’imprévu et faire avec. La responsabilité médicale est habituellement partagée dans notre métier. Julien s’est retrouvé seul aux commandes plus vite que prévu et l’on sent dans sa voix que c’était déstabilisant. « Nous avions beaucoup de polytraum’, des AVP surtout, qui arrivaient en pagaille. Je devais décider seul de l’arrêt de soins en réa. »

L'impuissance
Julien raconte : « Je me souviens d’une patiente de 25 ans, enceinte jusqu’aux dents, entrée pour accident de moto et décédée faute de soins. En France, elle se serait peut-être réveillée après 2 jours de réa. Ici, elle est morte. Je n’ai rien pu faire. » L’humanitaire, c’est le risque de prendre des baffes, de vivre un choc difficile à appréhender.

Le décalage
L’univers de travail n’est pas toujours celui auquel on s’attend, le cadre de vie non plus ! Parti avec une asso à peu de moyens mais animée d’une grande volonté, Matthieu, chir’ de 34 ans, raconte qu’ils devaient « être accueillis dans une sorte de mini-hôtel local. Et finalement… Sans s’attendre à la clim’, on n’imaginait pas non plus dormir à 3, à même le sol, dans 6 m², pendant 15 jours ». C’est sûr, « les gens étaient adorables mais… associées aux journées difficiles, les nuits de sommeil impossible dans la fournaise de Nouakchott en Mauritanie ne rendaient pas le quotidien facile. Il aurait fallu nous le dire au préalable, je pense. On ne m’avait pas vraiment expliqué cela ».

Le cloisonnement
« On vit en vase clos dans ces missions » rappelle Julien. « On travaille ensemble, on mange et on vit ensemble, parfois même dans des zones à risque, surveillées. Souvent personne ne se connaît avant la mission. » L’adaptabilité rapide à la vie en collectivité est essentielle. Mais se préparer au confinement n’est pas toujours évident. « Quand on est contraint en plus de ne pas sortir librement de surcroît plus pour raison de tension armées… », ça se complique. Si l’on rajoute à cela la longueur de certaines missions, l’expérience peut devenir un cauchemar et l’on peut sentir rapidement ses propres limites. « N’est pas aventurier qui veut ! » réagit Matthieu.

Le conflit de générations des humanitaires
« Beaucoup commencent l’humanitaire à la retraite. Du coup, sur le terrain, j’ai toujours remarqué une grande disparité dans les modes d’exercice, avec parfois des incompréhensions. Les ”routards” de l’humanitaire sont parfois difficilement en accord avec les pratiques des plus jeunes » raconte Julien. « Dans un hôpital, ça ne gêne pas nécessairement, mais en état de confinement, ça peut être usant ».

Le retour
À l’instar du mal de terre des marins au retour de pêche, certains humanitaires éprouvent des difficultés à reprendre un exercice « normal » dans notre système de santé. Un symptôme connu réactionnel est d’ailleurs décrit : au retour, on constate parfois une certaine perte d’empathie pour ses patients habituels, qui apparaissent moins souffrants mais plus exigeants. Matthieu se souvient qu’il était irritable : « j’avais vraiment du mal aux urgences à considérer ou même écouter les patients venus pour de la bobologie. Je me rendais bien compte que je sur-réagissais, mais j’avais perdu la patience ». Avec le temps, cette empathie est revenue. Matthieu n’est pas reparti pour autant, au contraire de Julien qui à son tour deviendra peut-être un habitué de l’humanitaire. Bon à savoir, les ONG les plus importantes se sont organisées pour protéger les professionnels qui partent : briefing avant départ, débriefing au retour, possibles prises en charge psy, soutien aux équipes sur place… C’est une vraie plus-value que les plus petites structures ne proposent pas et qui peut orienter ses choix quand on chercher à partir.

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