La logique d'entre soi

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À bon diplôme, bon mariage. Des études montrent que l’homogamie éducative est proportionnelle au nombre d’années d’études.

La logique d'entre soi

Que trouve-t-on sur les bancs de la fac de médecine ou au cours de ses stages ? Un diplôme, une spé, des amis… et son conjoint ou sa conjointe pour un certain nombre tout au moins. C’est l’un des résultats d’une étude de l’Edhec (1) de 2015, de Pierre Courtioux et Vincent Lignon, deux économistes, portant sur l’homogamie éducative. Ils citent à cet égard les sociologues Michel Bozon et François Héran, qui en 1987, écrivaient dans leur enquête sociologique sur la formation du couple (2): « Les couples ne se sont pas formés au hasard. Leur répartition en fonction des origines sociales suit toujours une logique fortement homogame. La foudre, quand elle tombe, ne tombe pas n’importe où : elle frappe avec prédilection la diagonale. »

S'APPARIER À BAC+5 ET AU-DELÀ

Si elle est présente à tous les niveaux de diplômes, l’homogamie éducative augmente cependant avec le nombre d’années d’études : la probabilité que le conjoint ait le même diplôme est 25 fois plus élevée parmi les étudiants de grandes écoles. Ainsi, les plus forts taux d’homogamie s’observent en école de commerce, d’ingénieurs et en fac de médecine. En écoles de commerce, les hommes ont 24 fois plus de probabilité de trouver un conjoint du même diplôme et les femmes, 26,5 fois plus. En école d'ingénieurs, cette probabilité est 19,2 fois supérieure pour les hommes et 15,5 fois pour les femmes. Par ailleurs, le développement que font Courtioux et Lignon 1 sur les conséquences de cette logique d’entre-soi en termes sociaux est tout à fait intéressant. Cette endogamie favorise la concentration des élites et l’enrichissement de celles-ci et non une redistribution dans les différentes catégories socioculturelles de la population, ce qui serait le cas avec un brassage plus important

DIPLÔMÉS ENTRE EUX

Cette tendance est d’autant plus marquante qu’à l’inverse, les personnes titulaires d’un CAP n’ont qu’1,5 fois plus de probabilité de s’unir à un conjoint de même diplôme. C’est aussi ce qu’a montré Milan Bouchet-Valat, doctorant en sociologie à Sciences Po 3, qui oppose l’« ouverture d’ensemble » et le « repli des élites ». Il souligne la baisse de l’homogamie éducative entre 1969 et 2011, remarquable chez les personnes non diplômées et les diplômés de l’université, à la différence des diplômés des grandes écoles qui opèrent un mouvement inverse… Il montre que seuls les plus diplômés se marient toujours autant entre eux, en raison notamment de la longueur des études. « Cette homogamie est importante en médecine car il y a un fort partage de valeurs et de préférences communes. En outre, le temps long passé à la fac de médecine et à l’hôpital explique que de nombreuses rencontres se produisent sur ces lieux qui mêlent travail et études », abonde Pierre Courtioux.

 

Source:

1. Pierre Courtioux et Vincent Lignon, Avoir un diplôme pour faire une bonne carrière ou un bon mariage ?, Edhec Business School, 2014.

2. Michel Bozon, François Héran, La Découverte du conjoint. Évolution et Morphologie des scènes de rencontre. https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1987_num_42_6_16991

3. Milan Bouchet-Valat, M. (2014). « Les évolutions de l'homogamie de diplôme, de classe et d'origine sociales en France (1969-2011) : ouverture d'ensemble, repli des élites ». Revue française de sociologie, 55, 459-505

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