La cancérologie à l'épreuve de Covid-19 : l'exemple de Gustave-Roussy

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L’impact du Covid-19 sur les centres de lutte contre le cancer est relativement méconnu. Afin de ne pas exposer leurs patients dont les défenses immunitaires sont souvent affaiblies à un risque de contamination, les établissements ont dû se réorganiser dans l’urgence. Reportage à Gustave Roussy (Villejuif) qui est aussi présent en  première ligne dans la lutte contre l’épidémie.

La cancérologie à l'épreuve de Covid-19 : l'exemple de Gustave-Roussy

Le plus grand centre européen de cancérologie est en état d’urgence depuis les débuts de l’épidémie avec des réunions de crise quotidienne. Il s’y est très tôt préparé quand dès janvier, des stocks de matériels de protection ont été constitués lorsque la cellule d’hygiène a pressenti que la situation pouvait se tendre.
 « Beaucoup de choses ont changé depuis les débuts de l’épidémie » reconnait le Pr Benjamin Besse qui dirige le département de Médecine oncologique de Gustave Roussy.

Nouveaux parcours et nouvelles prises en charge

L’épidémie a conduit presque tous les services à se réorganiser. L’objectif est de limiter autant que possible les venues de patients, afin d’éviter des contaminations et de respecter le confinement. Il a fallu décaler ou modifier des prises en charge. Tous les patients ont été individuellement contactés et le parcours de soin a été réorganisé pour chacun d’eux.  Près de 75% des consultations se font désormais au téléphone. En imagerie, tous les actes non urgents ont été reportés. C’est le cas des examens de dépistage du cancer du sein et en particulier du protocole européen MYPeBS décalé de trois mois. « Parallèlement, le nombre d’examens de scanner qui permettent de voir des anomalies même en cas de test négatif a augmenté car de plus en plus prescrits pour les patients reçus en urgence en cas de suspicion de Covid », indique le Pr Corinne Balleyguier, chef du département d’imagerie médicale.
Des traitements comme les chimiothérapies ou les immunothérapies ont été suspendus ou reportés quand cela était possible sans risques pour les patients. Des référentiels internes ont été élaborés par spécialités (sénologie, urologie, gastro-entérologie…) qui permettent au médecin de prendre les décisions au cas par cas en appréciant le bénéfice/risques d’un report ou d’une modification de prise en charge par rapport à un risque d’infection au Covid-19.
 « Nous voulons continuer à assurer notre mission de traitement du cancer malgré le Covid-19. Notre crainte est de moins bien traiter le cancer », insiste le Pr Besse. Un travail est d’ailleurs en cours dans le département de bio-statistique pour évaluer des éventuelles pertes de chance en cancérologie dues au Covid. 
Un certain nombre de mesures de prévention ont été mises en place. Les entrées sont filtrées. Les visites ne sont plus possibles, sauf situation exceptionnelle (situations de fin de vie, par exemple) ou strictement règlementées comme en pédiatrie. «L’équipe opérationnelle d’hygiène s’est beaucoup focalisé sur la protection des soignants et la prise en charge des patients », indique Danièle Vellardo, la responsable. Ainsi, de nombreux supports pédagogiques (films, affiches, plaquettes) ont été élaborés. Des tests virologiques peuvent aussi être effectués et désormais lus sur place.  

En première ligne

« Au départ, la vocation de Gustave Roussy, établissement spécialisé, n’était pas d’être en première ligne dans la prise en charge du Covid. Son rôle n’était pas d’accueillir des patients Covid », rappelle Stephane Pardoux, le directeur général adjoint.
Ce schéma n’a pas longtemps résisté à la réalité. Dans un premier temps, l’établissement a du se réorganiser pour prendre en charge ses propres patients covid + qui sont désormais traités dans des unités spécialement aménagées d’une capacité totale de 66 lits. Il s’agit principalement de patients de l’Institut mais aussi de patients atteints de cancer Covid+ venant d’autres établissements. Ces lits accueillent aussi désormais en aval des patients non atteints de cancer à leur sortie de réanimation.  
Dans un deuxième temps, devant l’ampleur de l’épidémie, Gustave Roussy s’est positionné également comme établissement de recours de la région pour des patients de cancérologie ne pouvant pas être pris en charge ailleurs.
Plus récemment, l’Institut a mis à disposition de la région ses lits de réanimation pour l’accueil de patients Covid+, ne relevant pas de la cancérologie. Avec une capacité de 28 lits de réanimation et de soins intensifs, il est le seul centre de lutte contre le cancer à disposer d’une telle capacité. Un renfort particulièrement utile lorsque les services de réanimation de la région ont été au bord de la rupture ces dernières semaines. Près de la moitié des patients aujourd’hui accueillis en réanimation sont des patients hors cancérologie. L’activité du bloc opératoire a été réduite pour renforcer l’équipement de la réanimation grâce à partenariat avec Curie qui permet aux chirurgiens de Gustave Roussy d’y opérer.

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