J'en suis revenu

Article Article

Comment revenir une fois parti ? Tout comme le départ a ses contraintes, revenir n'est pas nécessairement une décision indemne de frustrations et de conséquences déceptives.

J'en suis revenu

Bertrand Guillonneau, la cinquantaine, est urologue et l'un des pionniers de la chirurgie de prostate par voie laparoscopique. Il travaillait à l'Institut mutualiste Montsouris à Paris quand il a été contacté dans les années 2000 par le Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) de New York, hôpital de référence mondiale en cancérologie.

La perspective de s’expatrier pour y exercer et développer un programme de formation cœlioscopique de chirurgie prostatique qu’il avait contribué à créer, l’a alors attiré outre-Atlantique et fait quitter son poste en France pour tenter l’aventure. « Les conditions étaient exceptionnelles, de celles qui n'arrivent que lorsque l'on a été directement recruté. »

De ses années là-bas, il garde un souvenir plutôt positif : « C'était une expérience humaine et professionnelle incroyable de pouvoir exercer et vivre à NYC.  Mes enfants ont adoré cette période. Pour mon épouse qui est également médecin en revanche, c'était plus difficile car elle n’a pas pu exercer ».

Après 8 années, Bertrand décide finalement de revenir en France. Pourquoi ? « Parce que l'Europe, tout de même, c'est formidable ! ». La qualité de vie, la culture… Mais surtout, sur un plan plus professionnel, il avait le sentiment d'avoir appris ce qu'il pouvait apprendre. Et la pression psychologique permanente lui pesait : « Quand on est en haut de la pyramide, il y a plein de gens qui n'attendent qu'une chose : prendre votre place ».

Et il réalise que le retour est pour lui, plus difficile que ne l’avait été le départ… « La France est peu réceptive aux expériences étrangères. Personne ne semblait intéressé par cette ligne de mon CV. Si j'étais allé à Tombouctou, ç'aurait été pareil ! C'est bien pour un projet très organisé de carrière universitaire, mais pour une expérience spontanée, ça n'a aucune valeur, à part pour l'enrichissement personnel et briller en société ». Il ne recommanderait pas à un jeune médecin d’aller aux USA sans projet précis dans lequel inscrire cette démarche. « Les Français ont le sentiment que leur formation française suffit. Les Italiens, les Allemands ou les Anglais vont plus fréquemment à l'étranger. Au Memorial, j'étais le premier Français qu'ils avaient vu depuis longtemps, par contre il y avait nombre de médecins européens, brésiliens, chinois… »

Malgré son plaisir à retrouver une vie et un exercice dans l’Hexagone, un décalage s’est fait sentir au démarrage. Il avait l'impression qu'il allait avoir des procès de chaque patient, car la pratique est beaucoup moins documentée en France qu’aux US, selon lui, beaucoup moins encadrée par des procédures et une information dûment délivrée aux patients. « Ça a été un choc de retrouver cette nonchalance française. Et lorsque je suis tombé dans le couloir sur une personne en train de pousser un chariot avec des dossiers "papiers", j'ai eu l'impression que rien n'avait changé depuis la fin de mon internat ! »

Les gros dossiers

+ De gros dossiers