« Je veux pouvoir travailler et être reconnu pour mon travail »

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Ils sont Français, Syriens, Algériens mais tous ont passé leur diplôme hors de l’Union européenne. Pour demander une revalorisation de leur salaire, un vrai statut et une considération par l’administration française, les PADHUE s’étaient donné rendez-vous, ce mardi, devant le ministère de la santé. Peu avant 16 heures, une délégation de trois personnes a été reçue.

« Je veux pouvoir travailler et être reconnu pour mon travail »

“On a les mêmes devoirs, mais pas les mêmes droits”, explique Mohamed qui a passé son diplôme en Algérie. Cela fait quatre ans qu’il travaille comme praticien hospitalier du côté de Soissons, en hôpital public. Ce franco-algérien est embauché comme interne pour un an. “J’ai attrapé le covid-19, je forme les nouveaux médecins qui arrivent, mes employeurs reconnaissent la qualité de mon travail mais pas l’administration française”. Comme lui, ils sont plusieurs centaines à être restés toute une après-midi face au ministère pour dénoncer leur statut précaire, leur niveau de revenus et le manque de reconnaissance de l’administration française. Ils vivent à Toulouse, Bordeaux mais aussi en Normandie ou en Bretagne. Là, face aux CRS et aux grilles qui entourent le ministère, ils sont venus déposer leur tristesse et leur incompréhension. 
“On ne dit pas qu’il ne faut pas passer une équivalence, que nos compétences ne doivent pas être évaluées, explique Irina, cardiologue russe en France depuis cinq ans. Mais à moment donné, cela serait bien que l’on reconnaisse nos compétences. Que l’on arrête d’être évalué en permanence et que le décret soit publié”. Cette cardiologue et chercheuse raconte travailler en Seine-Saint-Denis. “Pendant la crise sanitaire, on avait huit services covid et j’étais la seule cardiologue sur place. J’ai travaillé sans relâche pour un smic et en convention de stage”. Dans l'Hexagone, il y aurait 5 000 praticiens à diplôme hors Union européenne.
 

Défenseur des droits

Autour d’elle, les autres Padhue racontent leur détresse. Cette précarité qui les empêche d’avoir une vie personnelle ou d’évoluer dans l'hôpital. Un manque de reconnaissance et de compréhension de l’administration française. “On a organisé ce rassemblement pour rappeler que l’on accepte les pires gardes, que l’on met entre parenthèse une partie de notre vie, mais que derrière on a aucune reconnaissance”, raconte Nacira. Elle a saisi le Défenseur des droits pour plaider sa cause. Chirurgienne dentiste, diplômée en Algérie, elle travaille en région parisienne depuis vingt ans. “Toutes les instances judiciaires et administratives que j’ai saisies m’ont expliqué ne pas avoir de cadre juridique pour mon cas”, raconte-t-elle. “Qui peut dire qu’un hôpital public peut tourner sans les Padhue ?”, ajoute Rachida Hireche, présidente de SOS Padhue. On attend depuis 2016 que le décret paraisse. On dirait que cette crise leur a donné une excuse pour le repousser encore”. En moyenne, ils sont payés entre 1200 et 1800 euros hors garde. “Résultat, pour avoir un salaire correct, on accepte les pires gardes, on est en première ligne pour les pires postes”. Lui est Russe. Cela fait quatre ans qu’il travaille en région parisienne et six ans qu’il est en France. “J’ai déménagé en France pour être avec ma famille, mais aujourd’hui face au manque de reconnaissance de l’administration, je réfléchis à quitter la France”. Il raconte avoir cinq diplômes, dont trois français, et gagner 1500 euros brut par mois. “Dans tous les pays, les études de médecine sont reconnues, mais pas en France”, ajoute cette médecin venue de Toulouse pour le rassemblement. Avec son mari, ils sont tous les deux médecins avec des diplômes étrangers. Depuis plus de cinq ans, elle raconte qu’ils se croisent à peine. Qu’ils n’arrivent pas à avoir une vie sociale ou même familiale. “Quand on ne travaille pas, ni l’un ni l’autre on dort. On passe notre vie à se croiser”. 
Face aux murs du ministère, les Padhue racontent la précarité de leur statut. Les contrats courts qui s’enchaînent, le statut de stagiaire, ou de praticien attaché. “Enfin, ça veut surtout dire que l’on peut nous détacher vite”, ajoute-t-elle. 
Derrière elle, Shady laisse échapper un rire avant de froncer les sourcils. Lui est syrien. Il travaille en hôpital public depuis cinq ans, sans pouvoir évoluer et avec ce même statut précaire que ces collègues de lutte. “J’ai le statut de réfugié, je ne peux aller ailleurs. J’ai l’impression d’être coincé. Je veux pouvoir travailler et être reconnu pour mon travail à ma juste valeur. Aujourd’hui en France, ce n’est pas le cas”.

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